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Santé : la menace des hormones médicamenteuses dans l’eau du robinet et l’alimentation

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Par Bioaddict

De très nombreux résidus d'hormones issus des pilules contraceptives, des médicaments consommés ou jetés, ou des produits utilisés dans l'élevage, se retrouvent dans les eaux usées via les urines et les matières fécales, et finalement, en bout de chaîne, dans notre eau de boisson et nos aliments. Le problème c'est que ces substances sont des perturbateurs endocriniens parmi les plus actifs, au même titre que les bisphénols A, le chlordécone, les PCB, les phtalates, et quantité de pesticides, qui perturbent le développement normal et le bon fonctionnement de l'organisme, et qui sont impliqués dans l'augmentation très forte de nombreuses maladies constatées au niveau mondial depuis quelques décennies.

Des sources de contamination multiples

Intervenant dans le cadre du colloque «  Perturbateurs endocriniens et environnement  » qui vient d’être organisé à l’Assemblée Nationale, le Pr Jean Marie Haguenoer, Professeur émérite de l’Université de Lille 2, et auteur d’un rapport  » Eau et Médicaments  » pour l’Académie Nationale de Pharmacie , vient une nouvelle fois de rappeler les risques très importants pour la santé de l’homme et animale, et pour la biodiversité, que font courir les résidus hormonaux, des perturbateurs endocriniens, rejetés dans les eaux usées, et que l’on retrouve dans les rivières, dans l’alimentation et très probablement dans l’eau du robinet.

Lire : Du poison dans l’eau du robinet ?

Enquête spéciale santé-environnement: Eau du robinet ou en bouteille, que faut-il boire ?

Les perturbateurs endocriniens, une menace pour la santé

Les perturbateurs endocriniens représentent, les chercheurs en ont maintenant la certitude, une menace majeure pour la santé. Car ils sont de véritables leurres hormonaux. Ils miment les hormones femelles, et perturbent ainsi le système endocrinen régulé par plus de 80 hormones et des centaines de systèmes de signalisation chimiques auxiliaires. Ils brouillent les processus fondamentaux naturels du développement des organismes vivants, tout particulièrement pendant les phases critiques capitales que sont la gestation, la lactation et la puberté, c’est-à-dire les périodes pendant lesquelles l’activité endocrinienne est à son maximum.

Aucun système endocrinien ne peut être protégé. Et, malheureusement, leurs effets peuvent être transmis aux futures générations. Les populations à protéger prioritairement contre ces substances sont les femmes enceintes et les enfants de la naissance à la puberté.

Parmi les plus dangereux, il y a les résidus de médicaments hormonaux, les oestrogènes de synthèse comme le diethystilbestrol (DES), les pesticides organochlorés (chlordécone), le bisphénol A contenu dans les biberons et dans le revêtement intérieur des boîtes de conserve et les canettes, les phtalates également utilisés comme plastifiant dans les biens de consommation et les dispostifs médicaux ( seringues jetables, matériel de perfusion dispositifs inplantables), le nonylphénol utilisé comme additif des plastiques, le tributylétain, les dioxines, les PCB, les produits chimiques utilisés comme filtres anti-UV, le paraben, les antioxydants employés dans les cosmétiques, les produits utilisés comme conservateurs dans les aliments, des produits chimiques bromés utilisés comme retardateurs de flammes dans le mobilier et les ordinateurs……

Des sources de contamination multiples

La contamination des eaux par les résidus hormonaux provient de l’élimination par les urines et les selles des hormones naturelles de l’homme et des animaux, et des hormones se synthèse absorbées via de nombreux médicaments et la pilule contraceptive.
Elle provient également des rejets de l’industrie chimique qui fabrique ces molécules, et de l’industrie pharmaceutique qui les conditionne.
Elle provient encore des rejets massifs par les établissements de soins, d’urines, de matières fécales, d’eaux usées, contenant des résidus de médicaments, de produits phytosanitaires, de produits anticancéreux et radiopharmaceutiques, de médicaments non utilisés.

Elle provient enfin des élevages industriels, grands consommateurs de produits hormonaux, et qui produisent de très grandes quantités de matières fécales et d’urine qui contaminent directement les sols, ou indirectement par épandage.
On trouve donc dans l’eau de multiples résidus hormonaux qui vont jouer le rôle de perturbateurs endocriniens : estradiol, estrone, progestérone, testostérone… et dont les effets sur la santé sont particulièrement inquiétants.

Les effets sur la santé

Des effets multiples sur la santé

Les perturbateurs endocriniens, dont les résidus de médicaments hormonaux sont parmi les plus actifs, sont en effet impliqués dans les troubles de la reproduction masculine, les malformations génitales chez les garçons, la précocité pubertaire chez les filles, la baisse de la fertilité, la féminisation des mâles, les troubles du comportement, les troubles du système immunitaire, les maladies métaboliques qui prennent l’allure d’une véritable épidémie , et qui représentent pour l’OMS un véritable défi pour le 21ème siècle : diabète, maladies cardio-vasculaires, obésité ; Maladie d’Alzheimer, Maladie de Parkinson, retards de croissance, cancers hormonaux- dépendants (sein , prostate, thyroïde, testicule)…

Chez l’animal, et notamment les poissons d’eau douce qui accumulent ces perturbateurs, on constate une forte augmentation des malformations génitales et une féminisation croissante qui perturbe la reproduction normale des espèces et au bout du compte la biodiversité.

Lire : 80 % des poissons du fleuve Potomac deviennent transsexuels

L’alimentation en cause

Pour le Dr Laurent Chevallier, nutritionniste, Attaché au CHU de Montpellier et chargé d’enseignement à l’Université, l’explosion récente des morbidités avec 45% des Français atteints de maladies chroniques est très certainement le résultat d’une implication forte des facteurs environnementaux, en particuliers alimentaires.

Ainsi, entre 2001 et 2009, le diabète de type 2 a augmenté de 40%, les obésités infantiles sévères ont augmenté de 300% en 15 ans, les cas de stérilité ont doublé, les nouveaux cas de cancer hormonaux dépendants ont également doublé en 25 ans . 9 millions de personnes sont aujourd’hui en France en ALD ( Affection longue durée).
Pour le Dr Chevallier, le coût humain est incalculable et le coût économique considérable.
Et il estime que les perturbateurs endocriniens, seraient impliqués dans 30 à 75% de ces maladies.

Pas de réglementation concernant les rejets

Pourtant, « tous les rejets de résidus d’hormones médicamenteuses et d’autres perturbateurs endocriniens ne font aujourd’hui l’objet d’aucune surveillance, déplore le Pr Haguenoer, car il n’y a aucune obligation réglementaire de les mesurer « . Ce qui fait qu’ils se retrouvent dans les eaux usées collectées par les stations d’épuration. Or celles-ci n’ont pas été conçues pour les éliminer .

 » Elles n’éliminent, précise la Pr Haguenoer, que 60 à 70 % des substances avec des rendements variables de 8 à 97% par substance. Elles n’éliminent donc pas la totalité des résidus hormonaux. Elles peuvent même les transformer en une substance plus active « .

Les eaux de surface sont donc à leur tour polluées et les chaines alimentaires aquatiques contaminées.

 » Et même les eaux souterraines sont polluées par ces composés « , précise la Pr Haguenoer.

D’autres chaînes alimentaires sont également concernées puisque les boues de ces stations d’épuration, qui contiennent une partie des ces hormones, sont utilisées pour faire des épandages dans les champs et ainsi transférées dans les cultures.

Eduquer, informer, réglementer

 » Il est donc indispensable, de développer l’éducation sur ces produits et de sensibiliser tous les acteurs concernés afin de leur faire comprendre que l’eau n’est pas un égout mais un milieu de vie qu’il faut absolument respecter « , insiste le Pr Haguenoer.

 » Il est également urgent, ajoute-t-il, d’optimiser la fabrication des produits contenant des hormones de synthèse ou naturelle; de renforcer la surveillance environnementale; de développer des tests de toxicité suffisamment sensibles pour tenir compte des effets potentiels de très faibles doses et globaux, et pour tenir compte de l’ensemble des substances potentiellement concernées « .

Il faudrait enfin imposer une réduction des émissions ponctuelles de résidus hormonaux par les industries et des établissements de soins en mettant en place une réglementation qui tienne réellement compte de la nature de l’ensemble des résidus rejetés dans les eaux usées et en particulier des perturbateurs endocriniens qui pourraient s’avérer être de véritables bombes à retardement pour l’homme, les animaux sauvages, l’environnement et la biodiversité.

Le problème des perturbateurs endocriniens est tel qu’en prolongement de cet article, et en s’appuyant sur les communications scientifiques faites lors du Colloque organisé à l’Assemblée Nationale, vous pourrez lire prochainement sur Bioaddict.fr d’autres articles sur ce thème concernant l’implication des perturbateurs endocriniens dans l’augmentation des cancers, dans les maladies métaboliques (diabète, obésité, maladies cardio-vasculaires), dans les troubles de la reproduction, dans les perturbations des fonctions intestinales, dans les troubles du comportement , et dans les bouleversements des écosystèmes.

Info+

Parmi les divers polluants qui menacent notre santé, les perturbateurs endocriniens sont sans doute les moins connus... et les plus néfastes.

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