» Déchets, le cauchemar du nucléaire «
La journaliste Laure Noualhat nous apprend que c’est près de 13 % des matières radioactives produites par le parc nucléaire français qui restent en Sibérie, dans le complexe atomique de Tomsk-7, une ville secrète de 30 000 habitants, interdite aux journalistes. » Là-bas, chaque année, depuis le milieu des années 1990, 108 tonnes d’uranium appauvri issues des centrales françaises viennent, dans des containers, se ranger sur un grand parking à ciel ouvert « , révèle-t-elle dans un article de Libération.
Découvrez sur Arte une vérité qui dérange. En pleine prise de conscience des menaces de réchauffement climatique, les industriels et certains politiques nous présentent l’énergie nucléaire comme la solution d’avenir, une énergie propre, maîtrisée, sans impact sur l’environnement et la santé. Parfois même, une énergie qui s’inscrit dans le » développement durable « .
Mais l’énergie nucléaire est-elle aussi propre qu’on nous le dit ?
» Après le Monde selon Monsanto, dans la lignée de ses grandes investigations, Arte avait décidé de s’attaquer à un autre grand tabou. L’industrie du nucléaire était un sujet en or qui n’a pas effrayé la chaîne franco-allemande. Peut-être que sa double nationalité, lui permettant de jouir d’une plus grande liberté, a facilité les choses. D’autant que l’Allemagne a choisi de sortir progressivement du nucléaire… Je ne suis pas sûr que les chaînes publiques françaises auraient accepté de programmer mon film « , livre au WWF le réalisateur Eric Guéret.
En partant à la quête de » la vérité sur les déchets « , Eric Guéret et Laure Noualhat abordent le sujet tabou du nucléaire par sa zone la plus sombre.
Déchets, le cauchemar du nucléaire
Réalisateur : Eric Guéret
Auteurs : Laure Noualhat et Eric Guéret
Avec la participation de Michèle Rivasi et Jean-Luc Thierry
Production : ARTE France, Bonne pioche, en association avec Sundance Channel
France (2009, 97′ mn)
Rediffusion jeudi 15 octobre à 09H55 et jeudi 5 novembre à 03H00
(France, 2009, 98mn) sur Arte France
Ce film a été sélectionné pour le prix Europa 2009 dans la catégorie « TV Current Affairs ».
Proclamation des résultats : le 24 octobre 2009.
Regarder la bande-annonce sur le site d’Arte ainsi que les interviews des auteurs du film.
Une quête de » la vérité sur les déchets » en France, en Allemagne, aux États-Unis et en Russie
Mais que connaissons-nous exactement ? Comment les populations peuvent-elles avoir une vision claire d’un domaine couvert depuis toujours par le secret ? Pourquoi ce déficit démocratique sur une question politique et environnementale majeure ? Autant d’interrogations que soulève ce film.
Les scientifiques de la Criirad (Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité) accompagnent Laure Noualhat et Eric Guéret sur les sites nucléaires. À l’aide des mesures et des prélèvements qu’ils effectuent sur le terrain, d’analyses et de rencontres avec des travailleurs du nucléaire et des opposants, les journalistes tentent de répondre aux questions que tout le monde se pose :
– Les déchets sont-ils dangereux ?
– Comment sont-ils gérés depuis l’origine du nucléaire ?
– Existe-t-il une solution pour les déchets ?
Ils vont à la rencontre des responsables politiques (Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement, Robert Alvarez, ancien conseiller énergétique de l’administration Clinton) et industriels (Areva, EDF) pour tenter de résoudre d’autres interrogations :
– Les populations sont-elles informées des dangers des déchets ?
– Le nucléaire peut-il être démocratique ?
– Qui détient réellement le pouvoir ?
– Quels sont les vrais enjeux politiques et industriels ?
– Les déchets menacent-ils l’avenir du nucléaire ?
» Mon film n’a malheureusement pas la portée d’une consultation publique mais je me plais à imaginer qu’il pourrait contribuer, à son échelle, à en provoquer une. Sa vocation est avant tout de dire les choses. Tant mieux si ça fait réagir les français et que cela soulève un débat national ! « , souligne Eric Guéret au WWF .
Un débat qui fait rage entre pro et anti-nucléaires en Europe
Le film d’Arte soulève de nombreuses questions dont faut-il oui ou non relancer cette énergie que la plupart des pays européens avaient déjà décidé d’abandonner ? D’autant plus que les populations craignent les déchets nucléaires, que les scientifiques ne trouvent pas de solution tandis que les industriels tentent de rassurer et que les politiques évitent le sujet. » Car les déchets sont le point faible du nucléaire, son talon d’Achille, son pire cauchemar « .
Pourtant, les quelques pays européens qui ont ouvert le débat sur la contamination des déchets (radioactifs pendant des milliers d’années), ont décidé de sortir progressivement du nucléaire. C’est le cas de l’Autriche, de la Suède, de la Belgique ou de l’Allemagne.
» Avec mes co-auteurs, Laure Noualhat, Michelle Rivasi, fondatrice de la Criirard et Jean-Luc Thierry, ancien responsable de la campagne nucléaire chez Greenpeace, on dénonce quand même un déni de transparence et une atteinte aux principes fondamentaux de la démocratie… livre au WWF Eric Guéret.
Et pour cause ! Le nucléaire ne résiste jamais longtemps à la concertation. La plupart des pays qui ont organisé un référendum ou consulté leurs populations sur la question sont en train de se désolidariser de la solution nucléaire, renonçant petit à petit à un procédé que le peuple a désavoué. «
Les réfutations d’EDF, la réaction de la secrétaire d’Etat à l’Ecologie
EDF, qui avait refusé de figurer dans le documentaire, affirme dans une dépêche publiée dans l’AFP, qu’ » aucun déchet nucléaire d’EDF n’était transporté en Russie « , en réponse à l’article de Libération qui soulève le voile sur l’exportation du groupe de ses déchets radioactifs vers la Sibérie pour y être normalement recyclés.
A noter qu’EDF publie sur son site un document datant de février 2009 intitulé » EDF, acteur responsable de la gestion des déchets issus de la production d’électricité nucléaire. «
La secrétaire d’Etat à l’Ecologie Chantal Jouanno a annoncé néanmoins ce matin sur France Info, qu’elle demandait une enquête sur ces informations, après les révélations du reportage d’Arte et du quotidien.
» EDF envoie bien des matières radioactives mais refuse de les qualifier de déchets «
C’est ce que nous apprend la journaliste Laure Noualhat sur son blog Six pieds sur Terre, avant de citer une porte-parole d’EDF qui a précisé à l’AFP que « c’est seulement l’uranium recyclable, issu du traitement des combustibles des centrales nucléaires d’EDF, qui est transporté en Russie pour être enrichi ».
» C’est exactement ce que l’on raconte. Merci donc pour la précision « , ironise Laure Noualhat.
La journaliste souligne que, ce que ne dit pas EDF, c’est qu’au cours de ce processus 90 % des volumes expédiés là-bas restent sur place.
» C’est ainsi. Mais la sémantique atomique est telle que personne ne veut assimiler ces matières à des déchets. On nous explique qu’ils peuvent servir de plusieurs façons. Si c’est le cas, pourquoi abandonner ces matières stratégiques? D’après nous, cette cession change l’arithmétique du retraitement et ramène la recyclabilité du cycle à 10% de matières environ (contre les 96% annoncés par l’industrie) « , écrit-elle.
Ce transfert de matières radioactives pose différentes questions, conclut la journaliste Laure Noualhat dans son article publié dans Libération : la sécurité de leur transport sur 8 000 km, la sécurité de leur stockage et l’efficacité du retraitement. En attendant d’hypothétiques sauts technologiques à venir, le cycle fermé du nucléaire français fuit donc en Russie. » En toute opacité. «
Emilie Villeneuve