Réchauffement climatique : l’addition risque d’être salée pour la France
Jean-Louis Borloo, le ministre de l’Ecologie a reçu le 5 novembre dernier Paul Vergès, président de l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC), qui lui a remis officiellement le rapport 2009 de l’ONERC.
Le rapport » Evaluation du coût des impacts du changement climatique et de l’adaptation en France » présente les résultats des travaux sur les 10 secteurs étudiés, aux horizons 2030, 2050 et 2100: santé ; énergie ; urbanisme/cadre bâti/infrastructures de transport ; biodiversité ; tourisme ; risques naturels et assurances ; agriculture ; forêt ; ressource en eau ; territoires.
Les travaux se sont étalés sur deux ans et demi et ont mobilisé plus de 200 personnes. L’évaluation réalisée indique que les coûts annuels liés aux changements climatiques pourraient atteindre plusieurs milliards d’euros par an si aucune mesure d’adaptation ne venait à être prise.
Un plan national d’adaptation au changement climatique sera élaboré au plus tard en 2011. Ce troisième rapport de l’ONERC alimentera la concertation préparatoire à ce plan, qui sera engagée dès la fin 2009.
» Ce 3ème rapport de l’ONERC, qui constitue un travail considérable, montre que la France ne sera pas épargnée par le changement climatique. Il nous faut donc redoubler d’efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ce qui passe par la conclusion d’un accord international à Copenhague et par la mise en oeuvre du Grenelle Environnement sur notre territoire, a annoncé Jean-Louis Borloo lors de la remise du rapport.
Mais il nous faut aussi bâtir une stratégie de long terme qui seule permettra l’adaptation de notre société au changement climatique, par une action en profondeur dans des secteurs où les décisions d’aujourd’hui engagent fortement l’avenir : transports, bâtiments, aménagement, énergie, sylviculture, agriculture… Tel est l’objectif du » plan national d’adaptation » dont l’élaboration débutera dans les prochaines semaines « .
Le rapport complet du groupe interministériel est disponible sur le site de l’ONERC.
Quels seront les impacts par secteur ?
Des ressources en eau qui s’épuisent
En considérant que la demande des Français reste la même, un déficit de 2 milliards de m3 par an, pour la satisfaction des besoins actuels de l’industrie, de l’agriculture (irrigation) et de l’alimentation en eau potable, serait observé à l’horizon 2050.
Une multiplication des conflits d’usage serait à craindre ainsi qu’une dégradation de la qualité des eaux, la perturbation des écosystèmes aquatiques ou dépendants de la ressource en eau.
Des millions d’euros pour soutenir le secteur agricole
La multiplication des canicules pourrait représenter en 2100 un coût allant jusqu’à plus de 300 millions d’euros par an pour une culture comme le blé en l’absence de mesures d’adaptation.
La viticulture sera également affectée par le changement climatique, avec de fortes disparités territoriales. Des baisses de rendement seraient attendues notamment en Languedoc. Par contre, une hausse de rendement serait à prévoir dans d’autres, notamment en Bourgogne, mais avec des effets potentiellement négatifs sur la qualité et la typicité des vins.
Dans le cas des prairies, l’exercice réalisé pour la zone périméditerranéenne, amène à un coût de compensation des pertes de rendements de 200 millions d’euros par an sur la seconde moitié du XXIème siècle. » Il est donc nécessaire de s’adapter dès aujourd’hui à ces évolutions projetées « , précise l’Onerc (Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique).
Risques naturels croissants et assurances
L’analyse a porté sur quatre types d’aléas spécifiques : les inondations, les risques côtiers, le retrait-gonflement des argiles et les aléas gravitaires (avalanches, glissements de terrain, etc.).
Si l’urbanisation continue à ce rythme là, l’augmentation des canicules générerait des dommages aux logements construits sur des sols argileux qui pourraient dépasser un milliard d’euros par an en 2100, contre environ 200 millions d’euros par an aujourd’hui.
Le recul de la côte, par érosion ou submersion marine, en conséquence du changement climatique (remontée du niveau de la mer), devrait concerner plusieurs centaines de milliers de personnes et la destruction des logements pourrait coûter plusieurs dizaines de milliards d’euros à l’échelle du siècle, pour la seule région Languedoc-Roussillon. Le coût des dommages liés aux inondations par débordement de cours d’eau pourrait
également augmenter sur certains bassins.
Des coûts indirects et intangibles en matière de santé
Le travail a porté sur l’impact de deux événements extrêmes majeurs déjà rencontrés
(canicule de 2003 et inondations du Gard en 2002) car ils correspondent à
des types d’évènements pouvant survenir plus fréquemment avec le changement
climatique . L’impact du changement climatique et de toutes ses conséquences (par exemple, sur les maladies à vecteurs ou la pollution locale urbaine) est impossible à évaluer aujourd’hui. La mesure de l’impact de la canicule a pris en compte les coûts directs et les coûts évités pour l’assurance maladie concernant les personnes âgées de 70 ans et plus, les coûts indirects (pertes de vie humaine, temps non productif) et les coûts intangibles (valeur estimée de la perte de qualité de vie et de la souffrance liée à la dégradation de la santé).
« On estimerait la valeur perdue par notre société du fait des décès prématurés causés par la canicule 2003 à un peu plus de 500 millions d’euros « . Sans compter le coût des psychotropes prescrits suite aux inondations du Gard en 2002, estimé à environ 234 000 euros (pour 953 personnes) la première année.
Des montées des eaux qui chambouleraient les infrastructures routières
Si le niveau de la mer augmente d’un mètre, le coût patrimonial, pour le réseau routier national métropolitain s’élèverait à 2 milliards d’euros.
La biodiversité terrestre, aquatique et marine directement affectée
Des signes de modifications de la biodiversité terrestre , aquatique et marine, attribuables aux changements graduels induits par le changement climatique, sont d’ores et déjà observables. La biodiversité est affectée directement par la modification de la température et de la pluviométrie, à laquelle s’ajoute l’acidification des eaux en domaine marin.
Les pertes économiques liées à la disparition de services de production (forêts de hêtre du Sud et de l’Ouest par exemple) et de régulation (tels que le stockage du carbone, la prévention des crues et des inondations, la régulation de l’érosion) sont à envisager à la fin du siècle.
» L’Outre-mer est particulièrement fragile du fait des impacts sur les récifs coralliens, les forêts tropicales et les nombreuses espèces endémiques « , précise l’Onerc.
Le tourisme devra s’adapter pour limiter les impacts négatifs
Une dégradation du confort climatique en été sur l’ensemble de la France métropolitaine est à prévoir, les températures maximales atteintes devenant trop élevées. Le rapport montre qu’en 2100, un impact significatif sur le chiffre d’affaire estival est à attendre, en raison d’une évolution à la baisse de l’attractivité touristique sauf dans le nord-ouest de la France et de certains départements des Alpes. En revanche, une amélioration des conditions sera constatée aux intersaisons.
Concernant les sports d’hiver, une étude de l’OCDE en 2006 indique que, dans les Alpes, la diminution du manteau neigeux réduira la fiabilité de l’enneigement. Ainsi, dans les Alpes françaises, 143 domaines skiables bénéficient actuellement d’un enneigement fiable. En cas de réchauffement de +1°C, cela ne sera le cas que pour 123 stations ; pour 96 stations si le réchauffement atteint 2°C et seulement pour 55 stations dans le cas d’un réchauffement de 4°C.
Télécharger le rapport de synthèse.