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Biocarburants : on nous aurait menti ?

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Par Bioaddict

L'Ademe publie depuis jeudi soir un rapport sur le cycle de vie des biocarburants consommés en France. Les biocarburants semblent n'avoir de bio que le nom selon les cultures.

Des biocarburants pas si « verts » que ça

Depuis le 29 avril 2009, tous les pays européens doivent veiller à ce que la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans toutes les formes de transports soit au moins égale à 10 % de sa consommation finale d’énergie dans le secteur des transports d’ici 2020. Cet objectif est donné sous la réserve que la production ait un caractère durable et que les biocarburants de la seconde génération soient disponibles sur le marché (les biocarburants actuellement consommées en France sont  » de première génération « ).

Parmi les critères de durabilité, il en est un majeur portant sur la réduction avérée des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 35 % par rapport aux équivalents fossiles.

Une étude « exhaustive et contradictoire » selon le Réseau Action Climat France

L’Ademe, l’Agence de l’environnemant et de la maitrise de l’énergie, a publié jeudi soir un rapport intitulée « Analyses de Cycles de Vie appliquées aux biocarburants de première génération consommés en France », suite aux critiques qui la suspectaient d’omettre un bilan contrasté, alors que son conseil d’administration approuvait la semaine dernière le projet BioTFuel.

Les filières bioéthanol (betterave, maïs, blé et canne à sucre), biodiesels (colza, tournesol, soja, palme, graisses animales et huiles alimentaires usagées) ainsi que la filière Huile Végétales Pures, appelée aussi HPV, ont été comparées aux carburants fossiles par le bureau d’étude Bio Intelligence Service (BioIS).

Cette étude, réalisée pour le compte de l’Ademe, du Ministère de l’Ecologie, du Ministère de l’Alimentation et de France Agrimer, a été jugée  » très édulcorée et largement tronquée du rapport qui lui a été remis en juin dernier par le bureau BioIS sur les bilans énergétiques et de GES  » par le Réseau Action Climat France.

Les effets pervers potentiels des biocarburants ont déjà été démontrés auparavant par des scientifiques. Ces effets semblent aujourd’hui se confirmer.


Un bilan écologique qui varie selon le type de cultures utilisé

La plupart des agrocarburants de première génération émettent moins de gaz à effet de serre (GES) que les carburants fossiles, ce qui représente une économie moyenne de 60 à 80 % pour les plus performants.

En haut du podium, l’éthanol de canne à sucre qui émet 90 % de GES en moins que les carburants fossiles. Vient ensuite le diester, produit à partir de graisse animale ou d’huile végétale usée.

Par contre, le bilan n’est pas très reluisant pour la filière ETBE (éthyl tertio butyl éther), issue des éthanols de betterave, de blé, de maïs. Ils émettent à peine 20 % d’émissions de gaz à effet de serre en moins. La future directive européenne qui, à partir de 2017, exigera une économie de GES de 50 % au moins, ne concernera donc pas cette filière.

Les biocarburants polluent dix fois plus les milieux aquatiques que les carburants fossiles.

La faute à l’agriculture. Le lessivage des nitrates en est la cause première. Les émissions d’ammoniac vers l’air, en raison des apports d’engrais, contribuent également fortement à cette pollution.

 » L’impact sur le potentiel d’eutrophisation (modification et dégradation d’un milieu aquatique) est indéniablement en défaveur des filières biocarburants […] il est constaté que l’étape agricole pèsera toujours de manière prépondérante sur ces bilans à travers les émissions d’ammoniac ou de NOx (oxydes d’azote) lors de l’épandage. »


Les changements d’affectation des sols peuvent modifier la donne

Le rapport souligne que la prise en compte du changement d’affectation des sols peut changer la donne du bilan global positif des biocarburants. Ce bilan tournerait vite en catastrophe écologique.

Intensification des cultures, destruction des forêts…

Pour Sébastien Godinot, des Amis de la Terre,  » Si l’on intègre l’effet du changement d’affectation des sols indirect aux résultats de l’étude, le jugement est sans appel : l’huile de palme, produite après avoir rasé des forêts, destinée à produire des agrocarburants, est une catastrophe climatique ! En intégrant les émissions dues à la déforestation en Indonésie, le bilan GES de l’huile de colza est le double de celui du diesel qu’il remplace « .

En conclusion, selon l’étude du bureau d’étude Bio Intelligence Service, il est nécessaire  » de lever cette incertitude qui plane au dessus de l’intérêt environnemental des biocarburants européens, par rapport aux évènements à l’échelle de la planète, par des travaux approfondis et dépassionnés « .

Pour le Réseau Action Climat, la France doit soutenir une prise en compte rigoureuse du changement d’affectation des sols de la production d’agrocarburant au niveau européen et international.

Emilie Villeneuve

Info+

Pour Jean-Denis Crola, d'Oxfam France-Agir , la promotion des agrocarburants pour assurer la sécurité énergétique dans les pays riches entraîne une ruée vers les terres fertiles d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, provoquant des catastrophes humaines dans les pays du Sud : " Les agrocarburants demeurent une fausse solution : en plus d'émettre beaucoup de CO2, leur développement a des conséquences catastrophiques sur les paysans des pays du Sud, qui sont expulsés de leurs terres, jusqu'ici utilisées à des fins alimentaires et détournées au profit de la production d'agrocarburants ".

Le RAC-F, qui a participé au comité technique de l'étude Ademe, déplore aussi que l'impact du CASI, c'est-à-dire la mise en culture de terres jusque-là non cultivées, ne soit simplement pas présenté dans la synthèse, alors que des chiffres précis sont disponibles dans la version complète et que ce facteur est déterminant dans le bilan gaz à effet de sSelon Jérôme Frignet, chargé de campagne Forêts pour Greenpeace France, " le modèle industriel de l'huile de palme repose sur la conversion des forêts primaires en plantation, car la coupe des arbres anciens assure des profits importants et immédiats. Les forêts primaires marécageuses, riches en carbone contenu sur plusieurs mètres d'épaisseur de tourbe, sont particulièrement convoitées, car peu peuplées et moins exposées aux conflits sociaux, mais leur destruction entraîne des émissions considérables de C02 ".

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