L’idée d’accuser le gras de tous les maux est parti d’un constat mathématique : 1 g de lipides (graisses) apporte 9 kcalories, contre seulement 4 kcalories pour les protéines et glucides (sucres). Mais en nutrition, les choses sont souvent bien plus complexes qu’il n’y parait et aujourd’hui, on revient de ces quelques 60 années d’erreur (qui pèsent aujourd’hui lourd sur la balance du surpoids) de ce qu’on appelle la » théorie lipidique » née dans les années 50, qui accusait les graisses saturées et le cholestérol d’être la cause des maladies cardiovasculaires.
Or le gras est nécessaire ! Il doit fournir 35 à 40% de nos apports caloriques quotidiens selon l’ANSES (1). Alors quelles graisses faut-il manger ?
Quels sont les différents types de gras ?
Il y a plusieurs types de gras, qu’on appelle techniquement « acides gras »…
Les acides gras mono-insaturés : principalement les acides gras oméga 9 (acide oléique) présents dans l’huile d’olive, d’arachide, de noisette, de sésame, la graisse d’oie et de canard, les oléagineux (noix de macadamia, noisette, noix de cajou, amande, pistache…), l’avocat, le jaune d’oeuf, et certaines viandes.
Les acides gras polyinsaturés, acides gras dits » essentiels » que notre corps ne sait pas fabriquer et qu’on doit lui fournir via ce qu’on mange. Il y en a deux types :
- les oméga 3, une famille elle-même constituée de différents acides gras : l’ALA (huile et graines de lin, graines de chia, huile de noix, de colza, de germe de blé, de soja, noix de Grenoble et de pécan), l’EPA (acide eicosapentaénoïque) et le DHA (acide docosahexaénoïque), présents tous deux dans : anchois, hareng, sardine, maquereau, thon, saumon.
- les oméga 6 (acide linoléique), présents dans l’huile de tournesol, de maïs, de pépins de raisin. Ils sont utiles à l’organisme (participent à la constitution des membranes cellulaires et à la santé des systèmes cardio-vasculaire, cérébral, hormonal et inflammatoire)
La clé de l’équilibre : avoir un bon ratio entre oméga 6 et oméga 3, soit au maximum 4 pour 1. Nous en sommes loin. Et c’est encore pire aux Etats-Unis, où ce rapport serait de l’ordre de 30 pour 1 (2).
Les acides gras saturés, qui résistent bien à l’oxydation (dégradation par l’air) et à la cuisson (dégradation par la chaleur). On les trouve dans les matières grasses d’origine animale (viande, charcuterie, fromage, beurre, crème) et dans certaines huiles végétales solides à température ambiante (huile de coco ou de palme).
Si on a longtemps considéré qu’ils étaient tous nocifs, on découvre aujourd’hui qu’il y a suffisamment de différences entre les différents acides gras saturés pour que le débat continue encore longtemps… Certains d’entre eux pourraient même être bénéfiques, comme l’huile de coco (ingrédient de plus en plus apprécié et recherché) ou l’huile de palme (qui pose par contre de gros problèmes écologiques), tous ayant l’avantage d’être très stables à fortes températures.
Les acides gras trans, qui existent en quantités inoffensives dans la viande et le lait, sont dangereux dans les produits industriels (plats préparés, viennoiseries et autres…) lorsqu’ils sont obtenus par hydrogénation des huiles végétales, ce qui les rend plus faciles à utiliser dans un processus industriel, mais ils augmentent alors le risque de maladies cardiovasculaires car ils peuvent contribuer à boucher les vaisseaux sanguins.
En pratique, comment faire ?
Avant toute chose, privilégier des huiles bio et de bonne qualité.
Pour l’assaisonnement, privilégier des huiles végétales riches en oméga 3 (huiles de lin, de colza, de noix, de chanvre), qui sont en général à conserver au frais car sinon elles rancissent vite.
Ces huiles riches en oméga 3 peuvent également être utilisées en filet sur des légumes qui viennent d’être cuits, mais elles ne doivent jamais être cuites.
Pour la cuisson, il y a encore de nombreux débat et la question n’est pas tranchée. Une approche » raisonnable » en l’état des connaissances est d’utiliser de l’huile d’olive. A défaut, on peut utiliser de temps en temps de l’huile de tournesol ou d’arachide, mais attention, ces deux huiles sont très riches en oméga 6 et nuisent à un bon rapport oméga 6 / oméga 3…
L’huile de noisette tient souvent bien la température et donne un goût rond et savoureux qui n’est pas ssans rappeler celui du beurre.
De temps en temps, on peut également utiliser des matières grasses saturées telles que l’huile de coco, le beurre clarifié (le » ghee » indien) ou le saindoux pour peu qu’on ne consomme pas trop de produits industriels par ailleurs (qui en contiennent beaucoup, notamment l’huile de palme). Hmmm, des pommes de terre ou des légumes sautées à l’huile de coco, c’est vraiment bon !
La graisse d’oie ou de canard est intéressante car elle a une composition qui se rapproche de celle de l’huile d’olive, c’est-à-dire avec beaucoup d’oméga 9.
Pour les cuissons à haute température type friture ou wok, mieux vaut privilégier des matières grasses pouvant monter haut en température telles que l’huile d’olive (si on est sûr de ne pas dépasser 180°C) ou l’huile de tournesol (choisir alors une huile de bonne qualité). On peut aussi utiliser des graisses animales (graisse d’oie ou de canard par exemple) qui tiennent bien les hautes températures.
Dans tous les cas, si une huile fume (avant qu’on ne mette quoi que ce soit dedans),
c’est qu’elle a trop chauffé, et donc on la jette !!!
Pour les tartines du petit déjeuner, le beurre reste un ingrédient intéressant car il apporte de la vitamine A (et en plus c’est très bon au goût) et il aide à tenir la matinée sans fringale.
Et dans les produits industriels, fuir tous ceux qui ont dans leurs ingrédients de l’huile végétale hydrogénée ou partiellement hydrogénée.
Quant aux huiles végétales, privilégier des huiles » première pression à froid » et se méfier des étiquettes qui disent » riches en oméga 3 » et autres promesses alléchantes. Ce qu’il faut regarder dans une huile, c’est le rapport oméga 6 / oméga 3… Si ce rapport est supérieur à 5, elle n’a guère d’intérêt nutritionnel. Eviter aussi les huiles trop chauffées et raffinées donc lisez bien les étiquettes…
On me recommande l’huile de coco, mais c’est une graisse saturée ! C’est bon ou pas ?
L’huile de coco comprend près de 90% de matières grasses saturées (contre 64% pour le beurre ou 14% pour l’huile d’olive), ce qui explique son état solide à température ambiante et sa capacité à résister aux hautes températures sans dégager de substance toxique…
Les graisses saturées ont mauvaises réputation, mais celles de l’huile de coco sont quasiment toutes des triglycérides à chaînes moyennes, qui sont transformées en » corps cétogènes » par le foie, fournissant de l’énergie à l’organisme. Ces triglycérides à chaînes moyennes réduiraient également les triglycérides dans l’organisme (ceux qu’on préfère éviter) par rapport aux matières grasses à chaînes longues.
L’huile de coco comprend également de l’acide laurique (comme l’huile de palme), qui protège contre un certain nombre d’agents pathogènes (virus, bactéries…) (3).
Néanmoins, certains chercheurs disent qu’il n’y a pas assez de recul sur l’huile de coco et qu’on ne sait pas quels peuvent être ses effets sur le long terme, notamment sur les maladies cardiovasculaires. Les populations consommant beaucoup d’huile de coco connaissent peu de maladies cardiovasculaires, mais cela pourrait être lié à leur régime alimentaire dans son ensemble. Bref, le débat n’est pas encore tranché.
En attendant, si vous appréciez son goût, vous pouvez en utiliser pour les cuissons (les pommes sautées à l’huile de coco, c’est sublime !), en alternance avec une huile dont les effets sont mieux connus comme l’huile d’olive.
Bien entendu, il faut choisir de l’huile de coco vierge bio, non raffinée, non chauffée.
Et l’huile de palme ?
Même combat que l’huile de coco pour la santé… Cependant, l’huile de palme utilisée dans les aliments industriels est souvent raffinée, chauffée, dégradée… Ce qui en fait un produit qu’on peut difficilement qualifier de bon pour la santé. De plus, la culture du palmier à huile cause des dégâts énormes aux forêts… et les démarches d’huile de palme » durable » sont jugées très sévèrement par les associations, qui estiment que leur côté » durable » n’est qu’un rideau de fumée marketing.
Idée reçue : la graisse est ce qui fait le plus grossir
Il y a plus de calories dans un même poids de graisse que de sucre, mais la clé du remplissage de nos cellules graisseuses est l’insuline, l’hormone qui est sécrétée dès lors qu’on mange des aliments sucrés. Son mécanisme est simple : dès lors qu’un taux de sucre plus élevé que la normale est détecté dans le sang, l’insuline est sécrétée par le pancréas, ce qui constitue un signal pour les cellules de » stocker » le sucre sous forme de graisse afin de faire retomber le taux de sucre dans le sang.
Le pire est ainsi le mélange sucres simples (goût sucré) + graisses, car le sucre déclenche l' » ouverture » des cellules graisseuses, qui se remplissent alors abondamment du fait des acides gras créés à partir des sucres simples et des graisses. Mieux vaut donc ne pas abuser des donuts et du kouign amann ! Mais ça, vous vous en doutiez un peu…
Christophe Duhamel, co-fondateur de Marmiton et auteur du livre « Rien n’est interdit » aux éditions playbac
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