L’E-10 sur le marché français
Neuf millions de véhicules, immatriculés en France après le 1er janvier 2000, sont concernés par l’E-10, soit 60 % des véhicules essence. Ce nouveau carburant s’inscrit dans la continuité du SP 95 qui contient déjà 5% de bioéthanol.
En incorporant 6,25 % de bioéthanol en 2009 et 7 % en 2010, la France anticipe de six ans la nouvelle directive carburants européenne selon l’UFIP (l’Union Française des Industries Pétrolières). Raffineurs et autres distributeurs ne paieront ainsi que très peu de pénalité (la TGAP, taxe générale sur les activités polluantes) ou pas du tout grâce à la commercialisation de l’E10.
Le SP 95-E10, qui pourra contenir jusqu’à 10% d’éthanol, est censé contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique en réduisant les gaz à effet de serre. Mais les écologistes y dénoncent une » fausse solution « .
Les avantages des biocarburants
Produit essentiellement à partir de betteraves à sucre et de céréales (blé et maïs) l’utilisation de bioéthanol présenterait certains avantages :
1) Réduction des émissions de CO2
-Dans un rapport publié en juillet 2008, l’OCDE soulignait que les politiques de soutien aux biocarburants, auraient un impact de l’ordre de 1% sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
-Selon l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (Ademe), le plan biocarburant français qui comprend le biodiesel et les autres biocarburants devrait permettre à la France d’économiser 6 millions de tonnes en émissions de C02 en 2010, sur les 128 millions de tonnes que le transport routier émet chaque année.
-Les instances européennes estiment que, par rapport à un carburant purement fossile, l’éthanol permettrait de réduire de 30 à 50 % les émissions de CO2.
2) Amélioration du bilan énergétique
-Les betteraviers assurent que dans le processus de fabrication, le bilan énergétique du bioéthanol est largement positif entre énergie fossile consommée et énergie renouvelable produite.
» En effet, en prenant en compte toutes les étapes de la production du puits de pétrole au réservoir des voitures, en passant par les champs de betteraves, pour 1 unité fossile consommée dans le processus de fabrication et de mise à disposition du bioéthanol, c’est environ 2,5 unités d’énergie renouvelable qui sont produites » souligne la CGB, la Confédération générale des planteurs de betteraves.
Des effets pervers potentiels majeurs
Face à ces avantages, des scientifiques pointent des inconvénients potentiellement majeurs.
1) augmentation des prix agricoles
» La croissance de la demande de biocarburants alimente la hausse des prix agricoles » affirme l’OCDE et la FAO (Organisation de la coopération et de développement économiques, Food and Agriculture Organization) dans un Rapport conjoint du 4 juillet 2007, Rome/Paris .
Dans l’Union européenne, les volumes d’oléagineux (principalement de colza) destinés à la production de biocarburants devraient en effet passer d’un peu plus de 10 millions de tonnes à 21 millions de tonnes entre 2006 et 2016. Le rapport montre que la hausse des prix des produits agricoles préoccupe tout particulièrement les pays importateurs nets, de même que les populations urbaines pauvres.
2) Augmentation de la faim dans le monde
» Utiliser des plantes alimentaires pour remplir l’estomac des voitures, plutôt que celui des Hommes ne permet pas de répondre aux dérives de l’agriculture intensive et à la faim dans le monde » souligne quant à lui Sébastien Genest président de la fédération France Nature Environnement (FNE)
2) Un rendement énergétique faible
Les scientifiques émettent eux aussi des réserves sur l’intérêt des agrocarburants. Dans un rapport publié en décembre 2008 par le ministère de l’Écologie, certains d’entre eux pointent le rendement faible de ces carburants.
Le Réseau Action Climat, les Amis de la Terre, le WWF et, Oxfam France-Agir ici rappellent que la betterave est un produit type de l’agriculture intensive dépendante de l’industrie pétrochimique, et estiment que la majorité des agrocarburants ont en fait un bilan énergétique et écologique particulièrement » médiocre « .
L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise des énergies) et le ministère de l’Ecologie doivent publier prochainement un nouveau bilan énergie et carbone des biocarburants français.
3) Augmentation de la pollution
Irrigation, utilisation de pesticides et d’engrais, pollution des eaux, destruction de forêts, nouvelles terres prises sur des terres agricoles existantes ou sur des écosystèmes naturels… l’expansion des agrocarburants pourrait en fait entraîner une hausse des émissions de CO2. D’autant plus que l’E10 ne peut être acheminé que par camions.
Par ailleurs affirme Sébastien Genest » L’E10 n’a rien de bio ! Les sénateurs viennent d’ailleurs d’inscrire dans la loi l’expression « agrocarburant » en lieu et place de » biocarburant « .
4) Aggravation du changement climatique
Enfin, » Les Amis de la Terre » du Royaume-Uni ont publié en avril une nouvelle étude sur les agrocarburants. Effectuée par le cabinet indépendant de consultants Scott Wilson Group, celle-ci montre que les agrocarburants utilisés au Royaume-Uni aggravent le changement climatique. Issus principalement de soja brésilien, argentin ou américain, ils ont généré en un an (depuis l’obligation légale d’incorporation au Royaume-Uni) 1,3 millions tonnes de GES, soit l’équivalent de l’émission de 500 000 voitures supplémentaires sur les routes.
Les agrocarburants de deuxième génération, au meilleur rendement énergétique, moins polluants, et qui ne concurrencent pas les cultures alimentaires, fabriqués à partir des algues par exemple, pourraient être une solution.
Emilie Villeneuve