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Pollution

"De la vitrine à la mine" : le WWF lance une campagne sur l’or illégal en Guyane

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Par Bioaddict

A l'occasion de la St Valentin, le WWF-France a lancé sa campagne pour dire non à l'or illégal. En effet, rares sont les personnes qui connaissent l'origine de ce métal précieux et les conséquences que son extraction engendre, qu'elles soient sociales, sanitaires ou environnementales.

Les ravages de l’orpaillage sur l’environnement

L’industrie du bijou représente 80 % de la consommation d’or dans le monde. Afrique du sud, Etats-Unis, Ghana, Chine ou Japon sont les principaux producteurs d’or dans le monde. La Guyane produit seulement 2,5 à 3 tonnes. Pourtant, l’activité aurifère apparaît importante dans l’économie de ce département français : elle constitue son premier poste à l’export.

Depuis quelques années, la Guyane subit de plein fouet une nouvelle ruée vers l’or. Celle-ci se traduit notamment par l’installation massive d’exploitations aurifères illégales qui ne bénéficient d’aucune autorisation officielle et bafouent les lois en vigueur. La recrudescence de l’orpaillage illégal est principalement alimentée par de puissantes vagues d’immigration clandestine en provenance du Brésil.

Les zones de non-droit ont surgit un peu partout au coeur de la forêt amazonienne malgré les opérations menées par les gendarmes et les militaires (explications sur les opérations  » HARPIE « ).

Selon le rapport Mansillon du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer du 17 juin 2009, la Guyane compterait plus de 500 chantiers illégaux et entre 5 000 et 8 000 travailleurs clandestins auraient été recensés.

Les ravages de l’orpaillage sur l’environnement

L’utilisation du mercure est interdite en Guyane française depuis 2006, pourtant cette pratique est encore employée par les orpailleurs illégaux. Le rejet de tonnes de boues et de produits toxiques générés par l’extraction de l’or en Guyane française dégrade le milieu naturel et modifie l’habitat des animaux, notamment en détruisant leurs zones de reproduction et d’alimentation en saison sèche.

Les orpailleurs illégaux utilisent le mercure pour amalgamer les particules d’or. L’amalgame est ensuite chauffé à haute température pour séparer les deux métaux. Le mercure s’évapore puis retombe mélangé à la pluie, parfois à des kilomètres des sites d’orpaillage. Une partie de ce mercure part directement dans les cours d’eau et se dépose au fond des rivières, dans les sédiments.

Dans les sédiments, par l’action des bactéries, le mercure se change en méthyl-mercure ((MeHg) forme chimique toxique du mercure absorbable par les organismes vivants.

Toute la chaîne alimentaire subit alors les effets néfastes du mercure. Celui-ci se fixe alors sur les plantes aquatiques, qui sont mangées par les poissons herbivores, qui sont eux dévorés par les poissons carnivores, qui sont finalement pêchés et consommés par les populations locales.

Or, une absorption importante de mercure par l’homme peut entraîner des troubles du système nerveux et des malformations, particulièrement chez la femme enceinte et l’enfant.

Pour récupérer 1kg d’or, 1,3 kg de mercure est employé par les illégaux, avec près de 30 % de pertes, rejetées dans le milieu naturel, essentiellement sous forme de vapeur atmosphérique.

En 2005, 5 tonnes de mercure ont été rejetées dans le milieu naturel et 1,5 tonnes dans les cours d’eau (État des lieux de l’exploitation de l’or en Guyane, mars 2005)

1333 km de cours d’eau seraient directement impactés par le mercure (ONF, 2006). A titre de comparaison, la Loire, de sa source à son embouchure, couvre 1 000 km de linéaire.

Les populations amérindiennes souffrent d’empoisonnement

Des études réalisées sur les cheveux des enfants amérindiens ont fait apparaître des taux de mercure 2 fois supérieurs à la norme fixée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

En 1994, le Réseau National de Santé Publique avait également mis en évidence une exposition importante de la communauté amérindienne Wayana par le mercure. Dans cette communauté, qui réside dans le Haut-Maroni, au bord du fleuve Maroni et du Tampoc, un taux d’imprégnation au mercure supérieur à la norme OMS a été relevé chez plus de 70 % des enfants amérindiens Wayanas du Haut-Maroni (Direction générale de la santé, 1997).

« Les niveaux moyens d’exposition relevés dans le Haut-Maroni sont nettement supérieurs à ceux observés chez les populations exposées chroniquement ailleurs dans le monde et ayant fait l’objet de recherche chez l’enfant. Ils sont du même ordre de grandeur que ceux rapportés chez les indiens de Munduruku, zone d’orpaillage intensif au Brésil », inscrit l’ Agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse) dans sa note de synthèse et recommandations  » Risques sanitaires liés au mercure en Guyane  » du 4 octobre 2004.

Des risque d’atteintes cérébrales chez l’enfant

Les fortes concentrations résultent de la bioaccumulation du mercure dans les organismes marins. En effet, la consommation de poisson constitue la principale source d’exposition alimentaire de l’homme au méthylmercure.

Une fois absorbés, les sels de mercure sont susceptibles de s’accumuler dans le foie, les globules rouges, la moelle osseuse, les reins, la rate, les intestins, les poumons, la peau et le système nerveux central.

La personne intoxiquée voit alors son écriture se modifier, son champ visuel se rétrécir et n’arrive plus à bien coordonner ses mouvements. L’atteinte rénale est moins fréquente.

Le méthylmercure, l’un des composés du mercure, peut passer la barrière placentaire ; or le foetus pourrait être 10 fois plus sensible à sa toxicité que l’adulte.

A haute dose, le méthylmercure est toxique pour le système nerveux central de l’homme, en particulier durant son développement in utero et au cours de la petite enfance. Il peut provoquer des troubles comportementaux légers ou des retards de développement chez les enfants exposés in utero ou après la naissance, même en l’absence de signes toxiques chez la mère.

 » Les déficits observés chez les jeunes enfants sont des retards psycho-moteurs, staturo-pondéraux et de l’acquisition du langage, des signes d’atteintes pyramidales, voire une infirmité motrice cérébrale. On admet jusqu’à ce jour que des concentrations supérieurs à 10 μg/g dans le cheveu de la mère durant la grossesse sont susceptibles d’accroître le risque d’atteinte cérébrale de l’enfant « , écrit l’Afsset dans l’étude « Risques sanitaires liés au mercure en Guyane ».

La campagne du WWF-France pour dire non à l’or illégal

 » Au-delà de ses impacts négatifs sur la qualité de l’eau des rivières et donc, de notre environnement et de notre santé, l’exploitation aurifère clandestine a des répercussions sociales indirectes « , explique le WWF-France.

Filières d’immigration, développement de réseaux de prostitution, de trafics (armes et drogues) et de délinquance…  » C’est là la grande particularité des marchés parallèles, qui engendrent toujours plus de pratiques illégales pour pouvoir fonctionner  » en dehors  » du système « , alerte l’ONG.

En Guyane, plus de 22 tonnes d’or à l’origine douteuses ont ainsi été exportées entre 2000 et 2008 selon le WWF.

« Le consommateur n’a aucune information sur la façon dont l’or est extrait et transformé. Ce qui permet, en Guyane, à l’or illégal d’intégrer la filiale légale : il est alors blanchi », explique l’ONG.

Il est donc primordial d’améliorer la traçabilité de la filière or. L’ONG a ainsi mené l’enquête entre Paris et la Guyane pour alerter l’opinion public. Tout le long de cette année, le WWF invitera les consommateurs à agir. Certes, l’or vert n’existe pas mais vous pouvez, à l’occasion d’un achat de bijou en or, poser trois questions au bijoutier :

-Savez-vous d’où vient l’or que vous proposez ?

-Savez-vous comment il a été produit ?

-Qu’est-ce qui me garantit qu’il a été respecté, de la mine à la vitrine, des standards exigeants en matière environnementale et sociale ?

Télécharger le guide Conso’Acteur du WWF .

N’hésitez pas à dire non à l’or illégal et à vous mobiliser sur www.nonalorillegal.fr !

Emilie Villeneuve

Info+

Le WWF exhorte les pouvoirs publics à :

- Renforcer les actions de contrôle menées par l'Etat français sur son territoire en collaboration avec les autorités des pays voisins.

- Favoriser les politiques de co-développement entre la France et le Brésil car la problématique de l'orpaillage illégal en Guyane doit aussi être approchée comme une problématique humanitaire liée à la présence d'un territoire de l'Union européenne en pleine Amérique du Sud. Les opérations " coups de poing " ponctuelles doivent ainsi être conjuguées avec une approche de long terme visant l'amélioration des conditions de vie des populations migrantes.

- Faire ratifier l'accord bilatéral pour la lutte contre l'exploitation aurifère en zones protégées et d'intérêt patrimonial par les parlements français et brésiliens. En effet, si l'accord a été signé par les deux pays le 23 décembre 2008, il n'est toujours pas entré en vigueur.

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