Accueil / Articles / Environnement / Des substances chimiques toxiques se libèrent des glaciers en fonte
eauPollutiontoxique

Des substances chimiques toxiques se libèrent des glaciers en fonte

Mis à jour le

Publié le

Sous l'effet du réchauffement climatique, les glaciers qui fondent libèrent des substances chimiques, lesquelles étaient retenues dans la glace " éternelle " pendant des décennies. Des substances toxiques aujourd'hui interdites et qui ne sont plus produites industriellement à cause de leur nocivité.

Des substances chimiques toxiques se libèrent des glaciers en fonte…

D’après une étude suisse publiée en octobre dernier dans  » Environmental Science and Technology « , lorsque les glaciers fondent, des objets contenus dans les masses de glace pendant des décennies, voire des siècles, ressurgissent.

Des substances chimiques, interdites depuis des années, se libèrent alors dont les POPs ( » persistent organic pollutants « ). Or ces polluants se dégradent difficilement dans l’environnement . Ces substances hautement toxiques (dont le DDT) ont d’ailleurs été totalement interdites par la Convention de Stockholm signée en 2001.

Ces produits chimiques sont des plastifiants, pesticides ou encore dioxines. Beaucoup de ces POPs perturbent le système endocrinien et sont cancérigènes.

Le problème est que ces POPs peuvent être transportés via l’atmosphère sur de longues distances. On les retrouve pratiquement partout dans le monde, même dans des glaciers des milieux alpins, aux écosystèmes très sensibles.

…et se retrouvent dans les couches de sédiments des lacs glaciaires

Si les glaciers fondent, les produits chimiques qui ont été entraînés par des courants atmosphériques il y a des années, déposés sur le manteau neigeux, et emmagasinés dans la glace, coulent avec la fonte dans le lac le plus proche.

Là, ils se déposent au fond du lac avec la matière en suspension de la fonte et s’accumulent dans les sédiments. « Par exemple, ceci se produit dans l’Oberaarsee, un lac de retenue à 2300 m d’altitude à proximité du Col du Grimsel dans l’Oberland Bernois « , explique des chercheurs de l’Empa (établissement de recherche du domaine des EPF, Ecole Polytechnique Fédérales) qui, avec ceux de l’EPFZ (école polytechnique fédérale de Zurich) et de l’Eawag (Institut fédéral suisse pour les sciences et technologies de l’eau), ont analysé les couches de sédiments de ce lac. Ils ont reconstitué ensemble le dépôt de substances organiques des 60 dernières années.

L’histoire des POPs remonte à plus de 50 ans

 » Nous pouvons confirmer à l’aide des couches, que, dans les années 1960 à 1970, des POPs ont été produits en grandes quantités et ont aussi été déposés dans ce lac alpin « , explique Christian Bogdal, qui a écrit sa thèse de doctorat à l’Empa au sujet de la pollution environnementale par ces substances organiques.

La pollution s’est réduite au début des années 1970 lorsque ces substances hautement toxiques ont été interdites par de nombreux gouvernements.

Depuis la fin des années 1990, les quantités de substances chimiques retrouvées dans les carotte de sédiments se situent à un niveau plus élevé que dans les années 1960 et 1970. Selon les chercheurs, ces quantités résultent du réchauffement climatique qui fait fondre les glaciers. Durant ces dix années, le glacier alpin s’est rétracté de plus de 120 m. Il a ainsi pu libérer de grandes quantités de substances toxiques emmagasinées.

 » Comme depuis longtemps présumé par les chercheurs en environnement, et maintenant démontré pour la première fois, les glaciers constituent une source secondaire de réintroduction de POPs dans l’environnent, à prendre au sérieux « , alertent les chercheurs.

Ainsi, la pollution engendrée par le passé se répercute aujourd’hui jusque dans nos glaciers…

Emilie Villeneuve

Info+

Poursuivre les POPs dans la glace " éternelle "

Les chimistes, les sédimentologues et les glaciologues se posent encore des questions sur l'accumulation de POPs dans les glaciers, les chemins qu'ils y poursuivent, et les possibles modifications chimiques dues à l'exposition aux rayons UV.
Pour cela, Christian Bogdal et Peter Schmid, de l'Empa, soumettent actuellement une demande de projet auprès du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique pour élucider le chemin des polluants dans la glace " éternelle ", conjointement avec des glaciologues, des chimistes et des sédimentologues de l'EPFZ (école polytechnique fédérale de Zurich), du PSI (Institut Paul Scherrer) et de l'Eawag (Institut fédéral suisse pour les sciences et technologies de l'eau).

Partagez cet article :