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Dossier spécial : comment gérer la sécheresse en France ?

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Quelles sont les origines de la sécheresse ? En France, les ressources en eau sont-elles suffisantes ? Comment sont décidées les mesures de restriction ? Sécheresse et changement climatique : comment anticiper ? Toutes les réponses apportées dans ce dossier consacré à la sècheresse.

Quelles sont les origines de la sécheresse ?

D’où vient l’eau consommée en France ?

Les eaux consommées en France proviennent en grande majorité (82%, soit environ 26 milliards de m3) des fleuves, des rivières et des lacs – ce sont les  » eaux de surface « -, généralement plus faciles et moins chères à prélever. Pour produire de l’eau potable, on utilise principalement (près de 63%) des eaux souterraines, moins polluées. Cependant, dans les zones urbaines, où la quantité nécessaire à chaque instant est très élevée, on prélève plutôt de l’eau de surface que les grandes collectivités ont les moyens de traiter efficacement. L’eau est prélevée à partir de 35000 points de captage. Les captages d’eau destinée à la fabrication d’eau potable sont protégés, pour éviter toute pollution accidentelle.

Comment détermine-t-on les niveaux d’eau disponibles ?

Les niveaux d’eau sont mesurés en permanence dans des stations de mesures automatisées qui alimentent les bases de données spécialisées. Tous les mois, un  » bulletin de situation hydrologique  » est publié dans chaque région ou bassin par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). Tous les ans, un  » bulletin de situation hydrologique  » national est publié par la direction de l’eau et de la biodiversité du ministère du Développement durable.

Bulletin national de situation hydrologique : consultez le site www.eaufrance.fr

Bulletin de situation des nappes d’eau souterraine : consultez le site www.brgm.fr

Quelles sont les causes possibles de sécheresse ?

La sécheresse peut résulter d’un manque de pluie. Elle survient lorsque la quantité de pluie est nettement inférieure aux normales saisonnières et cela sur une assez longue période. Lorsque le manque de pluie survient en hiver ou au printemps, il empêche le bon remplissage des nappes phréatiques ( » réserves  » d’eau) qui s’effectue à cette période de l’année. Au delà du mois d’avril, l’eau de pluie est essentiellement absorbée par les plantes, en pleine croissance, ou s’évapore à cause de la chaleur. La sécheresse peut être accentuée par des températures élevées, notamment en été qui provoquent un assèchement des sols et l’évaporation plus importante de l’eau disponible.
Le manque d’eau peut donc apparaître à tous moments dans l’année.

Les ressources en eau sont-elles suffisantes en France ?

Globalement, au plan national, les ressources en eau sont suffisantes. Des situations de manque d’eau peuvent cependant survenir à certaines périodes de l’année – comme c’est le cas actuellement – et dans certaines zones géographiques en raison de prélèvements en eau supérieurs à la ressource disponible.

Aujourd’hui, 59 départements sont concernés par au moins un arrêté préfectoral en vigueur limitant l’usage de l’eau. 13 départements sont en vigilance.

Lire : Sécheresse : la liste des 59 départements concernés par les restrictions d’usage de l’eau

La France reçoit chaque année environ 400 milliards de m3 d’eau de pluie, dont les 2/3 s’évaporent : les 175 milliards de m3 restant alimentent les eaux de surface et souterraines. Le débit des rivières de France est resté stable au cours des dernières décennies. La quantité d’eau des eaux souterraines peut varier en fonction du niveau de prélèvement et du taux de renouvellement de ces eaux.

Des prélèvements et utilisations variables

Les prélèvements en eau douce en France représentent environ 32 milliards de m3 par an. L’industrie rejette une grande partie de l’eau qu’elle prélève. Ses prélèvements représentent près de 70% de l’eau prélevée, soit environ 22 milliards mais elle compte pour 25% des consommations uniquement.

A l’inverse, l’agriculture consomme presque toute l’eau qu’elle prélève. C’est pourquoi elle représente 50% des consommations pour seulement un peu plus de 10% des prélèvements, soit environ 4 milliards. Les impacts sont importants, car ils sont concentrés sur une seule période de l’année – les 3 mois d’été, où l’agriculture peut représenter jusqu’à 80% de l’eau consommée et certaines zones géographiques où les ressources sont les moins importantes.
L’eau potable représente 25% des consommations. Ce qui représente environ 6 milliards de m3 par an. Un chiffre globalement stable. L’augmentation de la population étant compensée par une diminution de la consommation de chacun.

Pourquoi le cycle de l’eau ne permet-il pas de renouveler suffisamment la ressource ?

L’eau, prélevée dans les eaux souterraines qui se renouvellent, pour certaines, lentement, est rejetée dans les eaux de surface qui s’écoulent vers la mer. La quantité d’eau qui rejoint les eaux de surface varie fortement en fonction des usages. Selon l’usage et la nature des ressources, le cycle de l’eau ne permet donc pas toujours à lui seul de préserver l’équilibre de la ressource. De plus, si le niveau des nappes souterraines baisse trop à un endroit, l’équilibre hydrogéologique peut se trouver modifié. A proximité de la mer, comme en Gironde, il y a par exemple un risque d’infiltration d’eau de mer ( » intrusion saline « ) dans les nappes souterraines.

Comment économiser l’eau ?

Entre juin et août, 80% de l’eau est consommée par l’Agriculture. Limiter l’irrigation à  » la bonne dose au bon moment  » permet par endroit de diminuer la consommation de 30%. Les économies d’eau dans ce secteur sont globalement encouragées : amélioration du matériel d’irrigation, changement de pratiques, choix de cultures moins consommatrices d’eau. Les légumineuses, racines et tubercules consomment beaucoup moins d’eau que le maïs qui demande une grande quantité d’eau à une période de l’année où la ressource est la moins abondante…

Les particuliers sont eux aussi invités à faire des économies d’eau et à réduire leur consommation : en prenant des douches à la place des bains, en installant des chasses d’eau double flux et des réducteurs de pression sur les robinets ou en réutilisant l’eau de pluie.

Lire : Maison : 16 gestes simples pour économiser l’eau au quotidien

10 éco-gestes contre le gaspillage de l’eau

Des mesures d’économie d’eau sont également préconisées auprès des industriels : amélioration des modes opératoires pour les rendre plus économes en eau, utilisation de l’eau en circuit fermé, recyclage des eaux de nettoyage.

Quelles sont les mesures prises pour éviter la sécheresse

Comment sont décidées les mesures de restriction ?

Les seuils entraînant des mesures de restriction sont définis au niveau local par les préfets. Ce qui facilite la réaction en situation de crise, et permet la transparence et la concertation entre les différents usagers d’un même bassin.

Les arrêtés sécheresse ne peuvent être prescrites que pour une durée limitée pour un périmètre déterminé. Ils doivent assurer l’exercice des usages prioritaires, plus particulièrement la santé, la sécurité civile, l’approvisionnement en eau potable et la préservation des écosystèmes aquatiques. Ceci tout en respectant l’égalité entre usagers des différents départements et la nécessaire solidarité amont – aval des bassins versants.

Quels sont les différents seuils et conséquences pour les différents acteurs ?

Quatre niveaux ont été définis : vigilance, alerte, crise et crise renforcée.
Les mesures de limitation des prélèvements sont progressives et adaptées aux différents usagers.

Usages domestiques : sensibilisation, puis limitation de plus en plus fortes des prélèvements pour l’arrosage des pelouses, des espaces verts, le lavage des voitures, le remplissage des piscines jusqu’à l’interdiction totale de ce type d’utilisation (hors usage eau potable).

Agriculture : (80% des prélèvements entre juin et août) : interdiction d’irriguer 1 jour par semaine, plusieurs jours par semaine ou à certaines heures jusqu’à l’interdiction totale de l’irrigation.

Industrie : Des mesures spécifiques ont été prises sur les unités les plus consommatrices : mesures imposant une réduction progressive d’activité, le recyclage de certaines eaux de nettoyage, la modification de certains modes opératoires.

Qu’est-ce que la Commission de suivi hydrologique ?

Lieu d’échange et d’information sur la situation hydrologique au niveau national, la Commission de suivi hydrologique s’intéresse aux conséquences sur les différents usages de l’eau et sur les milieux naturels d’épisodes de sécheresse. Elle recueille les avis et propositions des différents acteurs concernés sur les mesures préventives ou compensatrices et permet une meilleure coordination et cohérence des actions dans les différents départements.

Elle est composée de :

– sept représentants de l’Etat : voies navigables, industrie, agriculture, tourisme, collectivités territoriales, santé, environnement ;

– quatre représentants des collectivités territoriales : un membre du comité de bassin Loire Bretagne, un membre du comité de bassin Rhône-Méditerranée, l’association des Maires de France (AMF) et l’association nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) ;

– douze représentants des usagers : fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI), EDF, fédération nationale de la propriété privée rurale (FNPPR), assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), France nature environnement (FNE), centre national de prévention et de protection (CNPP), fédération nationale de pêche en France (FNPF), association nationale des industries agroalimentaires (ANIA), UFC Que Choisir, union nationale des associations familiales (UNAF), représentant de la conchyliculture ;

– des experts : office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Météo-France, voies navigables de France (VNF), agence de sûreté nucléaire (ASN).

Les restrictions et les interdictions des prélèvements et usages des agriculteurs peuvent-ils donner lieu à une indemnisation ?

Lorsque une sécheresse entraîne une  » calamité agricole « , les agriculteurs peuvent être indemnisés par un fonds spécial : le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), alimenté par l’Etat et les agriculteurs (contribution additionnelle aux primes d’assurance de leurs contrats d’assurance).

Après reconnaissance d’une calamité agricole par le ministre en charge de l’agriculture, le fonds indemnise les exploitations sinistrées. Ces indemnités couvrent en moyenne 30% des dommages.

Lire : Sécheresse : « La situation est grave pour les paysans français »

Quelles sont les conditions à remplir pour prélever de l’eau ?

En temps normal, quelles sont les conditions à remplir ?

Les industriels, les agriculteurs et les collectivités (pour la production d’eau potable) doivent pour tout prélèvement supérieur à certains seuils (200.000 m3 par an en eau souterraine en dehors des  » zones de répartition des eaux « , et 8m3/h dans les  » zones de répartition des eaux « ), avoir une autorisation de prélèvement, accordée par la police de l’eau.

Pour l’obtenir, ils doivent étudier les conséquences de ces prélèvements sur la ressource en eau et soumettre leur demande à enquête publique. Dans les zones où il existe un déficit structurel entre consommation et ressource en eau, cette obligation concernera également tous les agriculteurs à partir de 2012, alors que jusqu’à présent certains bénéficient d’une autorisation temporaire qui les en dispensés.

Qui contrôle les quantités d’eau prélevées ?

Les contrôles des quantités d’eau prélevées sont réalisés par la police de l’eau et les agences de l’eau. Les particuliers ayant des forages domestiques doivent quant à eux :

– Depuis le 1er janvier 2009, déclarer le forage en mairie, en précisant le volume prévisionnel de prélèvements. Les mairies peuvent ensuite renseigner la base de données créée en 2010 par le ministère du développement durable pour dénombrer les forages domestiques existant en France.

– Payer une redevance pour traitement des eaux usées lorsqu’ils utilisent l’eau pour des usages intérieurs, et la rejettent ainsi dans les réseaux d’assainissement.
Les quantités prélevées par les forages domestiques, parfois importantes, notamment dans les régions où les besoins en eau sont élevés et la ressource insuffisante (Sud de la France par exemple) ne sont pas contrôlées, mais estimées au travers des volumes indiqués dans les déclarations en mairie.

Qui contrôle le respect des obligations en terme de prélèvements et l’application des restrictions ou interdictions d’usages ?

Au niveau départemental, la  » police de l’eau « , assurée principalement sous l’autorité du préfet par les agents des directions départementales des territoires (DDT) et de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema) ainsi que par ceux des autres services rassemblés au sein des missions interservices de l’eau( » MISE « , qui coordonnent les actions des services déconcentrés des différents ministères intervenant dans la protection et la gestion de l’eau) :
– établit des autorisations de prélèvement
– contrôle les prélèvements
– peut engager des procédures de sanctions administratives.

Quels sont les acteurs de la gestion des prélèvements en eau?

Le Comité national de l’eau, organe consultatif, constitué d’élus, d’usagers, d’associations, de présidents des comités de bassin et de représentants des services de l’État (164 membres titulaires ou suppléants), participe à la définition des grandes orientations nationales.

Dans chaque bassin, la politique de l’eau est élaborée en concertation : élus, associations et consommateurs sont représentés dans les  » comités de bassin  » qui définissent tous les 6 ans objectifs et actions à mener dans un  » schéma directeur d’aménagement et de gestion de l’eau  » – SDAGE. Des enquêtes publiques sont réalisées avant l’approbation des ces schémas. Depuis 2006, la représentativité des usagers a été renforcée.

La mise en oeuvre de la politique

Au niveau régional : les services déconcentrés du ministère du Développement durable assurent un rôle de coordination notamment sur la police de l’eau.

Au niveau départemental : La  » police de l’eau « , assurée principalement sous l’autorité du préfet par les agents des directions départementales des territoires (DDT) et de l’Onema ainsi que par ceux des autres services rassemblés au sein des missions interservices de l’eau- MISE- qui coordonnent les actions des services déconcentrés des différents ministères intervenant dans la protection et la gestion de l’eau, notamment le ministère du développement durable et le ministère de la santé :
– établit des autorisations de prélèvement
– contrôle rejets et prélèvements
– peut engager des procédures de sanctions administratives

Le préfet peut établir des interdictions ou des restrictions pour certains usages ( » arrêtés sécheresse « ) lorsque les prélèvements autorisés sont supérieurs aux ressources disponibles à un moment et dans une zone géographique donnée.

Surveiller et connaître la ressource en eau

– Des programmes de recherche sont menés pour améliorer la connaissance sur les ressources en eau par l’Onema et des organismes de recherche spécialisés.

Météo France réalise également un suivi précis de la pluviométrie, et permet d’estimer la gravité relative d’une situation de sécheresse en la comparant à des situations passées.

Un dossier du Ministère de l’Ecologie

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