Un produit chimique suspecté de perturber le système hormonal
Le BPA est un produit chimique utilisé dans la fabrication d’un plastique dur transparent, le polycarbonate, employé pour la fabrication des biberons et des bonbonnes d’eau et que l’on retrouve notamment dans les résines époxy qui tapissent les boîtes de conserve et les canettes.
Un produit donc largement pointé du doigt par des études scientifiques et les consommateurs.
L’Agence de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) avait fait état pour la première fois le 5 février dernier « de signaux d’alerte » dans de nouvelles études sur le BPA. L’Agence avait lancé par la suite une évaluation de l’exposition des consommateurs.
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Le Sénat a d’ailleurs adopté le mois dernier une proposition de loi qui vise à suspendre la commercialisation de biberons fabriqués à base de BPA.
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L’Afssa a donc collecté des données pour évaluer l’exposition des consommateurs au BPA en France pour » mieux appréhender les effets du bisphénol A en termes de santé humaine, éclairer le consommateur et permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures appropriées « .
L’Afssa tente de rassurer… en vain ?
L’Agence a donc recueilli 769 données sur les teneurs en BPA dans les aliments.
Ainsi pour les sodas, les valeurs les plus basses retrouvées sont inférieures au seuil de détection, les plus hautes allant jusqu’à 17 µg/kg d’aliment. Pour les conserves de légumes, de poissons et de plats cuisinés, les valeurs les plus basses sont inférieures au seuil de détection tandis que les plus hautes vont jusqu’à 128 µg/kg d’aliment.
Concernant la migration à partir d’ustensiles ménagers en polycarbonate, seuls les biberons ont été pris en compte. » On trouve pour les biberons et les premiers dosages sur les produits infantiles des valeurs basses ou inférieures au seuil de détection « , souligne l’Afssa.
Une dose journalière tolérable mal évaluée ?
En 2006, l’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a défini une dose journalière tolérable (DJT) de BPA, sur laquelle s’est basée la réglementation européenne pour fixer les valeurs limites de migration dans les aliments, de 0,6 milligrammes/kilo d’aliment.
Les résultats de l’Afssa montrent aujourd’hui un niveau moyen d’exposition à environ 1µg/kg de poids corporel/jour.
» Il est donc très inferieur (en moyenne 50 à 100 fois inférieur) à la valeur toxicologique de référence (Dose Journalière Tolérable), fixée à 50 µg/kg de poids corporel/jour par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et est comparable à ceux observés dans les pays pour lesquels des données sont disponibles « , informe l’Agence.
Pour le Réseau Environnement Santé (RES), cette dose représente « un risque de santé publique considérable. Cette dose induit par exemple chez le rat des effets sur la reproduction sur plusieurs générations.
Selon André Cicolella, porte parole du RES « cela signifie que lorsque l’arrière grand-mère est exposée pendant la gestation à 1 microgramme par kilo et par jour, l’impact est observé chez les fils, les petits-fils et les arrière petit-fils. Ces données sont donc largement suffisantes pour remettre en cause la DJT qui a été fixée à 50µg/kg sur la base d’études obsolètes ».
L’Afssa veut poursuivre les travaux sur le BPA, notament au niveau européen
Pour l’Afssa, les résultats paraissent donc rassurants. Il y a cependant un hic.
L’Agence souligne que » des études récentes font état d’éventuels effets toxiques après des expositions au BPA dans la période périnatale à basses doses, inférieures à la DJT fixée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments « .
Rappelons que l’Agence de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) avait reconnu en février 2010 des « signaux d’alerte »…
L’Afssa souhaite que soient examinées les mesures qui pourraient être prises au niveau européen afin de » renforcer la protection des consommateurs et réduire le niveau d’exposition de la population. Les comités d’experts de l’Afssa qui formuleront un avis définitif sur ces données d’exposition dans quelques semaines devraient préciser ces recommandations « .
La présence de BPA dans les récipients et ustensiles ménagers
La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, avait récemment indiqué qu’elle étudiait « la possibilité de modifier par voie réglementaire la limite autorisée de migration du Bisphénol A dans les aliments« . Elle avait également émis le souhait de « diffuser largement certaines recommandations permettant de minimiser l’exposition quotidienne au BPA », comme « éviter le chauffage des contenants en plastique ».
Cela tombe bien puisque pour l’Afssa » les consommateurs devraient être informés de la présence de BPA dans les récipients et ustensiles ménagers, via un étiquetage systématique, afin de leur permettre d’éviter de les chauffer excessivement pendant trop longtemps et protéger les plus sensibles « .
Dans le cadre de la réglementation européenne, les limites de migration spécifique du BPA dans les denrées pourraient être donc réévaluées.
Marc Mortureux, directeur général de l’Afssa, insiste sur « la nécessité d’une mobilisation de l’industrie pour mettre au point des substituts du BPA pour les usages alimentaires ».
Mais de son côté l’association nationale des industries alimentaires (Ania) considère comme « rassurants pour le consommateur » les résultats publiés sur la concentration en Bisphénol A dans les aliments. Elle s’étonne même de la possibilité d’un relèvement des seuils et d’un signalement du BPA sur les emballages.
Le Réseau Environnement Santé juge cette recommandation d’étiquetage sur la présence de BPA comme » hypocrite « , « d’autant plus que, depuis 1999 au moins, les industriels ont trouvé des produits de substitution au revêtement intérieur des boîtes de conserve et des canettes à base de BPA de type polyépoxy « .
Le RES demande que l’Afssa intervienne clairement auprès de l’agence européenne (AESA) pour que l’avis de celle-ci attendu en mai soit conforme aux bonnes pratiques en matière de fixation des normes et qu’une norme soit fixée à 1ng/kg/jour (1 nanogramme par kilo et par jour).
En attendant, l’association de consommateur « UFC Que Choisir » teste pour son numéro de mai, 46 produits contenant du Bispéhnol A (biberons, conserves, canettes et bonbones). Affaire à suivre donc…
Emilie Villeneuve