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L’Ours brun va-t-il totalement disparaître du territoire français ?

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Le Fonds pour la protection des animaux sauvages (Fapas), vient d'annoncer que Camille, le dernier ours autochtone des Pyrénées est désormais mort. Selon l'association espagnole, l'ours n'a plus donné de signes de vie depuis de nombreux mois. Que signifie cette disparition ? La vingtaine d'ours bruns slovènes réintroduits dans les Pyrénées se destine-t-elle à un avenir aussi sombre ?

L’Ours brun va-t-il totalement disparaître du territoire français ?

Dans son communiqué, l’association Fapas souligne avec sarcasme que  » La France et l’Espagne sont parvenues à ce que disparaisse totalement la population d’ours autochtones des Pyrénées « .

D’autres associations avaient évoqué le décès probable de l’ours Camille ces dernières semaines, l’espagnole Ecologistas en accion et la française Fonds d’intervention éco-pastoral (Fiep). Selon Ecologistas en accion, la dernière photo prise de l’animal, seul présent du côté espagnol des Pyrénées, date du 5 février dernier.

Le journal La Semaine des Pyrénées rappelle que l’ours était connu en France sous le nom  » Aspe Ouest « . ¨

Pour Sabine Matraire, membre de Ferus, l’association nationale pour la conservation de l’ours, du lynx et du loup,  » le fait qu’on appelle cet ours différemment d’un côté et de l’autre de la frontière espagnole reflète un peu les incertitudes que l’on a quand on étudie un animal aussi discret. En fait, nous n’avons jamais vraiment su s’il s’agissait d’un seul et même ours car ceux qu’on a relâchés avaient malheureusement un génotype identique.  » Sabine Matraire précise malgré tout que l’information divulguée par l’association espagnole est  » tout à fait plausible et peu surprenante. »

Mais si le dernier ours des Pyrénées est éteint, cela ne signifie pas qu’il n’y a plus un seul ours dans les vallées pyrénéennes. En effet, on estime actuellement qu’une vingtaine d’ours de souche slovène sont encore présents dans les Pyrénées. En revanche, dans le Béarn, où évoluait l’ours Camille, il ne resterait plus que deux ours mâles : Cannelito, fils de Cannelle, et Néré, fils de Jiva, la première ourse slovène réintroduite dans les Pyrénées centrales en 1996.

Il s’agit tout de même d’un échec cuisant. Pour le journaliste du Monde Léon Mazella, la disparition du dernier spécimen de la souche pyrénéenne signe la fin d’un symbole régional :  » un pan de culture se trouve pulvérisé.  » Car si les ours slovènes sont d’un point de vue biologique identiques à leurs cousins, il est nécessaire de signaler l’échec d’un plan de sauvegarde initié trop tardivement par le gouvernement.

Retour sur les polémiques du plan de sauvegarde et de réinsertion de l’ours brun

Il y a 250 000 ans, l’ours brun était présent dans toutes les hautes vallées de la chaîne des Pyrénées. Présent sur le territoire bien avant le développement du pastoralisme il y a 3000 ans, il était un élément incontestable de la biodiversité pyrénéenne. Sa régression liée au fractionnement de son habitat et à l’action des chasseurs et montreurs d’ours émeut les pouvoirs publics dès les années 70. Un plan de sauvegarde est lancé en 1980 par le gouvernement français mais il ne permet pas d’enrayer la diminution des effectifs. Dans les années 90, avec seulement une dizaine de spécimens répertoriés, la disparition paraît alors inéluctable. L’Etat, avec le soutien de l’Europe, décide de lancer un programme de réintroduction en important des ours de la même espèce de Slovénie.

Cannelle, la dernière femelle de  » souche pure « , a été tuée en 2004 par un chasseur. Celui-ci, après avoir été déclaré non coupable en 2008, a finalement été condamné le 2 juin dernier, à verser une indemnisation de 10 000 euros aux associations de protection de la nature.

Deux ans après l’affaire de l’ourse Cannelle, cinq ours slovènes ont été lâchés dans la région. Mais malgré ces mesures de réintroduction, la population d’ours bruns demeure aujourd’hui non viable en raison du nombre trop restreint d’individus, de l’insuffisance de femelles et de la fragmentation de leur territoire. De plus, la majorité des éleveurs de la région s’opposent à de nouveaux lâchers, se déclarant plus favorables à la création de réserves clôturées où les ours ne pourraient pas nuire aux cheptels. Les craintes ancestrales liées à la supposée agressivité de l’ours, ne facilitent pas non plus la tâche aux associations qui veulent rétablir le dialogue entre pro-ours et anti-ours.

Lors de sa venue à Toulouse, le 26 juillet dernier, Chantal Jouanno a annoncé une pause dans le programme de réintroduction des ours dans le massif. Mais elle avait également indiqué qu’un lâcher serait effectué en 2011, probablement dans les Pyrénées-Atlantiques.

La réaction du gouvernement à l’annonce de la disparition de Camille est donc très attendue par les associations pro-ours qui souhaitent la réintroduction d’une nouvelle femelle.

 » Face à la réglementation Européenne, l’Etat français est quasiment forcé de faire ce lacher, sous peine de se voir suspendre des aides », estime Sabine Matraire de l’association Ferus.

Alicia Muñoz

Info+

L'argumentaire des anti-ours

Les anti-ours avancent plusieurs arguments. Si certains semblent a priori rationnels au vue de leurs intérêts, d'autres plus extravagants semblent tout à fait contraire à la philosophie des écologistes.

- l'impossibilité de faire cohabiter l'activité pastorale à celle d'un grand prédateur
- le manque d'espaces pour accueillir une espèce condamnée par l'urbanisation
- l'inefficacité des mesures de protection des troupeaux de bétail
- les coûts exorbitants de ces mesures et de celles liées à l'introduction et au suivi des ours
- l'agressivité des ours slovènes, plus grands, plus prédateurs, plus prolifiques que les ours pyrénéens.

Sur ce dernier argument les associations pro-ours et scientifiques sont intarissables : les ours slovènes et pyrénéens sont exactement de la même espèce, et de la même lignée. Ils sont en tous points semblables, ont le même régime alimentaire et craignent autant l'homme que leurs cousins.

" Si le hasard a fait que certains ours réintroduits se sont attaqués à des troupeaux côté espagnol, c'est qu'ils étaient blessés ou malades " confirme Sabine Matraire de l'association Ferus.

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