Accueil / Articles / Politique et économie environnement / La transition mondiale vers une économie verte s’accélère
Politique

La transition mondiale vers une économie verte s’accélère

Mis à jour le

Publié le

La recherche sur l'économie verte est enfin mise en pratique. Les gouvernements, ainsi que de nombreux hommes d'affaires, prennent des mesures pour accélérer la transition mondiale vers une économie verte, sobre en carbone, économe en ressources naturelles et socialement inclusive. De la Chine à la Barbade, en passant par le Brésil et l'Afrique du Sud, les états nations se mobilisent pour élaborer des stratégies et des activités favorisant une économie verte. Leur but est de relancer la croissance, la création d'emplois, et de protéger l'environnement et l'équité sociale.

La Chine pousse pour une croissance verte comme jamais auparavant

Dans le communiqué de presse paru pour le lancement de la publication phare du PNUE, « Vers une Economie verte, pour un développement durable et une éradication de la pauvreté », Ban Ki Moon, le Secrétaire général de l’ONU, a ainsi déclaré:

« Alors que le monde se prépare à la Conférence de Rio +20 sur le développement durable de juin 2012, le rapport du PNUE sur l’économie verte démonte le mythe selon lequel il faut compromis choisir entre la croissance économique et la protection de l’environnement. En effet, selon le rapport, les gouvernements peuvent relancer leurs économies, encourager la création d’emploi et améliorer l’équité sociale au moyen de politiques publiques intelligentes qui favorisent le progrès tout en maintenant l’empreinte écologique de l’humanité dans des limites supportables pour la planète. « 

Le rapport, qui a nécessité un effort de recherche mondial de trois ans et auxquels des centaines d’experts ont participés, a subi un examen public de six mois avant d’être dévoilé le 16 novembre 2011. L’une des conclusions principales confirme qu’un investissement de 2% du PIB mondial dans 10 secteurs économiques clés pourrait, à lui seul, engendrer une transition de notre modèle économique actuel (polluant et inefficaces) vers une économie verte. En conséquence, un nombre croissant de pays entreprend des activités visant à accélérer cette transition.

La Chine pousse pour une croissance verte comme jamais auparavant

Cette semaine, lors de la réunion annuelle du Conseil chinois de coopération internationale sur l’environnement et le développement, le gouvernement chinois a ainsi chargé un Groupe consultatif international de mettre en avant sa propre étude sur la transition vers une économie verte. Actuellement, la Chine est le premier investisseur mondial dans le secteur des énergies renouvelables. Elle a dépassé l’Espagne en 2009 et a dépensé 49 milliards de dollars (USD) dans le secteur en 2010. Globalement, la Chine s’engage à dépenser 468 milliards de dollars (USD) pour le développement durable au cours des cinq prochaines années, soit plus du double par rapport au cinq dernières années. Ces investissements massifs concerneront les industries clés, notamment les énergies renouvelables, les technologies propres et la gestion durable des déchets.

« La Chine considère qu’une économie verte est un choix stratégiques dans un monde où les ressources naturelles sont de plus en plus limitées. Nous avons donc fait ce choix important dans nos plans de développement », a déclaré Mr. He Bingguang, Directeur général de la Commission nationale du Développement et de la Réforme. « Nous apprécions particulièrement la contribution du PNUE dans la promotion d’une transition rapide de l’économie mondiale vers une économie verte, dont tous les pays pourront potentiellement tirer profit », a-t-il ajouté.

Certains pays, comme la Barbade, le Cambodge, l’Indonésie, la République de Corée et l’Afrique du Sud, ont déjà les plans nationaux d’écologisation de leurs économies qui reflètent les recommandations du rapport. D’autres encore, comme l’Arménie, l’Azerbaïdjan, l’Egypte, le Kenya, la Jordanie, la Malaisie, le Mexique, le Népal, le Sénégal et l’Ukraine se concentrent l’écologisation de secteurs prioritaires, tels que l’agriculture, l’énergie, le tourisme durable et les technologies propres.

Aujourd’hui les pays de l’Afrique de l’est se réunissent au Rwanda pour construire des lois et des cadres réglementaires favorisant l’économie verte à l’échelle nationale et régionale. Les participants (issus du Burundi, du Kenya, de la Tanzanie, de l’Ouganda, ainsi que du Rwanda) se pencheront sur des études de cas et des initiatives menées sur le continent, et dirigées par l’Union africaine.

Les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables ont explosé

Les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables ont explosé

Du côté des entreprises, le PNUE a fait équipe avec 285 investisseurs importants du monde entier (valant 20 milliards de dollars en actifs), pour appeler les gouvernements à agir contre le changement climatique, notamment en investissant dans les industries émergentes, à savoir: les énergies renouvelables, ou encore les bâtiments verts. Des appels similaires ont été relayés par la Chambre de commerce internationale qui représente des centaines de milliers d’entreprises dans plus de 130 pays.

« Nous assistons à des innovations et à des initiatives avant-gardiste provenant de pays qui s’engagent à mener la transition vers une économie verte. Il y a certainement un facteur ‘d’immitation’ créé par ceux qui prennent les devants, cela influencera le rythme des changements dans les mois à venir « , a déclaré Achim Steiner, le Secrétaire général adjoint de l’ONU et Directeur exécutif du PNUE.

L’emballement récent dans les investissements écologiques bénéficie non seulement aux économies émergentes, mais aussi aux autres pays en voie de développement. Selon les dernières statistiques (publiées par Bloomberg), les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables ont bondi de 32% en 2010, atteignant montant record de 211 milliards de dollars (USD). Suivant l’exemple des économies émergentes brésilienne, chinoise et indienne, les pays africains sont maintenant ceux qui affichent l’augmentations la plus importante de tous les pays en voie de développement.

En Egypte, l’investissement dans le secteur des énergies renouvelables a augmenté de 800 millions de dollars à 1,3 milliards de dollars (USD), en raison du projet d’énergie solaire thermique de Kom Ombo, et grâce à la construction d’une ferme éolienne de 220 MégaWatt sur la côte du golfe du Zayt. Au Kenya, l’investissement est littéralement passé de 0 dollars en 2009, à 1,3 milliards de dollars (USD) en 2010. Cet envol extraordinaire concerne les technologies comme l’énergie éolienne et géothermique, ainsi que des petites centrales hydroélectriques et les biocarburants.

« Pour que les pays atteignent une efficacité économique réelle, les biens et services qu’ils produisent doivent être évalués de manière à refléter leurs coûts réels, en incluant également les coûts externes à la société », a déclaré Mr. Steiner.« Nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à faire des affaires comme si de rien n’était. Le Rapport sur l’économie verte nous prouve qu’il y a des gains énormes à réaliser en prenant des mesures dès maintenant. »

Une série de consultations régionales sur l’économie verte, organisées par l’ONU, a souligné l’intérêt croissant que le rapport suscite. Si les questions financières et commerciales sous-tendant le concept d’économie verte doivent encore être approfondies, il est désormais unanimement reconnu que notre modèle économique actuel (basé sur la seule croissance du PIB) a entraîné une mauvaise répartition du capital brut et une distribution inéquitable des richesses.

Le rapport démontre qu’il suffit d’investir 2% du PIB mondial dans les secteurs de l’agriculture, de l’énergie, de la construction, de la distribution de l’eau, la foresterie, de la pêche, de la manufacture, de la gestion les déchets, du tourisme et du transport, pour réorienter l’économie mondiale sur une trajectoire de croissance plus durable. L’économie engendrerait plus de bénéfices à long terme, sur le maintien de la croissance économique, qu’un scénario « business-as-usual ».

Les recommandations concernant les politiques à développer dans les 10 secteurs clés ci-dessus, ainsi que sur les modes de financement et les conditions d’habilitation, sont décrites en détails dans le rapport.

En matière de transport, par exemple, le rapport propose que les prix prennent en compte les coûts sociaux engendrés par les embouteillages, les accidents et la pollution qui, dans certains cas, s’élèvent à plus de 10% du PIB national ou régional. Une étude parue en 2009 a conclu que les coûts sociaux cumulés engendrés par les transports motorisés affecteraient de 7,5 à 15% du PIB de la ville de Pékin.

Globalement, l’impact de l’industrie du transport sur les ressources naturelles est vaste: il va de la fabrication des véhicules, en passant par les métaux et les plastiques utilisés, sans oublier la consommation de combustibles fossiles (ce qui implique l’utilisation d’huile moteur, de caoutchouc et d’autres matériaux naturels). De 2007 à 2030, le secteur des transports devrait, à lui seul, représenter 97% de l’augmentation mondiale de l’utilisation de pétrole.

En Chine, le nombre de véhicules motorisés devrait, au minimum, tripler au cours de cette période (allant de 2007 à 2030). Pour faire face à cette hausse, le gouvernement fait la promotion des véhicules propres et économes en énergie, tout en développant les infrastructures connexes. Dans la ville de Shengzhen, berceau de la première voiture électrique chinoise, on a déjà planifié la construction de stations de recharge des batteries et les bus traditionnels devraient être remplacés par 7.000 bus électriques dans les cinq prochaines années.

L’économie verte est génératrice d’emplois et d’équité sociale

L’économie verte génératrice d’emplois

Toujours selon le rapport, de nouveaux type d’emplois seront crées dans ces secteurs clés, au fil du temps. Une étude récente menée par l’OIT et l’Académie chinoise des sciences sociales (CASS), intitulée « Pour un développement sobre en carbone et des emplois verts en Chine », confirme cette affirmation. L’étude fournit une liste des gagnants et les perdants. Elle analyse également l’ampleur des impacts directs et indirects de cette tendance, tout en identifiant les bénéfices nets. Elle conclu que si 800.000 travailleurs employés dans les petites usines de charbon chinoises risquent de perdre leur emploi en raison des mesures écologiques, quelques 2,5 millions d’emplois seront créés d’ici 2020, rien que dans l’industrie de l’énergie éolienne.

En Afrique, malgré les récents progrès économiques, la création d’emplois verts décents suscite un intérêt croissant. Les représentants de 11 pays africains se sont d’ailleurs réunis en juin avec des représentant de l’OIT, du PNUD et du PNUE, et ce à fin d’analyser des études de cas dans les domaines du recyclage, de la construction durable et de la gestion des ressources naturelles. Suite à cette réunion, les participants ont adopté des plans d’action pour la création d’emplois verts dans les secteurs de la pêche, de l’agriculture et de la sylviculture. Ces plans permettront une hausse de 70% de la création d’emploi dans la région.

Au Brésil, l’OIT a récemment soutenu la construction de 500.000 nouveaux logements équipés de systèmes de chauffage solaire. Ce projet a engendré 30.000 nouveaux emplois. En Afrique du Sud, des projets de restauration d’écosystèmes aquatiques ont permis d’employer 25.000 chômeurs, tout en rétablissant des services écosystémiques importants pour le filtrage de l’eau douce.

L’économie verte génératrice d’équité sociale

Plus de 2 milliards de personnes vivent grâce à de petites exploitations agricoles locales, et malgré leur contribution significative à la sécurité alimentaire, la grande majorité de ces agriculteurs sont mal nourris et vivent dans la pauvreté. Les faibles prix de ventes, les pratiques commerciales déloyales de la concurrence et l’inefficacité des transports contribuent à leur situation précaire. Or, le Rapport sur l’économie verte conclu que la mise en place de pratiques agricoles durables provoquerait une augmentation des rendements et des profits pour ces agriculteurs locaux.

Globalement, un investissement compris entre 100 et 130 milliards de dollars dans l’agriculture biologique (d’ici 2050), améliorerait la qualité et le rendement des sols des principales cultures. Cela représenterais une augmentation de 10% par rapport aux prévisions des stratégies de business-as-usual. Etant donné qu’une majeure partie de ces agriculteurs sont des femmes, les bénéfices engendrés seront probablement redistribués dans leurs familles et communautés.

Le secteur de la gestion des déchets est un autre domaine qui devrait permettre d’améliorer l’équité sociale. Les efforts pour écologiser cette industrie font souvent suite à la recherche des économies de coûts, ou à des efforts de sensibilisation aux problèmes environnementaux. Toutefois, le rapport note que les efforts d’écologisation de l’industrie doivent aussi concerner l’amélioration des systèmes de traitement des déchets, la mise en conformités par rapport aux normes, la formation des travailleurs, et un système de compensation plus équitable pour assurer leur protection adéquate. Décentraliser les opérations de gestion des déchets à grande échelle pourrait aussi fournir des possibilités d’emploi.

Enfin, les déchets électroniques (ou e-déchets) sont également abordés dans le rapport. Ce problème concerne particulièrement les pays en voie de développement. Selon les estimations actuelles, 20 à 50 millions de tonnes de déchets électroniques sont générés chaque année. Par conséquent, le commerce de ce type de déchets se répand rapidement, ce qui accroît les menaces pour la santé humaine et pour l’environnement. Alors que les ventes de téléphones et d’ordinateurs portables continuent de croître en Chine, en Inde et partout en Afrique et en Amérique latine, le rapport constate que la récupération des déchets et leur recyclage offre des potentiels économiques et écologiques importants.

Le rapport « Vers une économie verte, pour un développement durable et une éradication de la pauvreté », est disponible à l’adresse: www.unep.org/greeneconomy

Mathilde Emery

Sources :

www.unep.org
Partagez cet article :