» Ce pulvérisateur nous a apporté la mort alors qu’on voulait simplement gagner notre vie « , se désole un riziculteur sri-lankais contaminé. Il est un des témoins filmés par Marie-Monique Robin lors du procès symbolique de Monsanto qui s’est tenu à La Haye l’an dernier.
Parmi eux, des agriculteurs, des ouvriers agricoles, des mères de familles, des riverains de cultures transgéniques et encore des médecins et des scientifiques venues de différents régions du monde, du Danemark au Nord à l’Argentine au Sud, du Sri Lanka à l’Est aux Etats-Unis à l’Ouest en passant par l’Europe. Tous décrivent des drames consécutifs à l’utilisation intensive du glyphosate : malformations des enfants, cancers, maladies respiratoires ou rénales et destruction de l’environnement. Des témoignages qui confirment l’évaluation du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) : il a conclu en 2015 à la cancérogénicité probable pour l’homme de l’herbicide.
Une des molécules les plus toxiques de l’ère industrielle
On est moins surpris des effets décrits quand on apprend dans le film que le glyphosate a été breveté dans un premier temps comme chélateur : il servait à décaper les tuyaux. Il a ensuite obtenu un brevet pour ses effets antibiotiques avant d’être reconnu comme herbicide. Puis il a été utilisé avec les OGM RoundUp Ready, des plantes modifiées génétiquement pour l’absorber sans mourir, ce qui permet des désherbages à grande échelle. Ces OGM nourrissent aujourd’hui les animaux de la planète (sauf ceux élevés en agriculture biologique) et les populations de bon nombre de pays. Difficile d’y échapper même en Europe où les OGM sont réservés aux animaux car l’herbicide est omniprésent dans l’eau, l’air, la terre et les aliments.
Malheureusement, le glyphosate n’est pas bon pour la santé. En plus d’être très probablement cancérogène, » c’est un perturbateur endocrinien, à l’origine de malformations congénitales, un chélateur de métaux, qui prive de minéraux les plantes et les mammifères, et un puissant antibiotique, qui détruit les bonnes bactéries et accroît la résistance des mauvaises « , explique Marie-Monique Robin. » Cette molécule de l’herbicide le plus vendu au monde est l’une des plus toxiques de l’histoire industrielle, et chacun en a des résidus dans son organisme : il s’agit d’un énorme enjeu de santé publique ! « , ajoute la journaliste.
Monsanto responsable de crime contre l’humanité
Le tribunal contre Monsanto, auquel la firme a refusé de participer, sert de trame au film. La réalisatrice, qui a pris part au procès, a rencontré chacun des témoins dans son pays pour constater sur le terrain ce qui est expliqué à la barre. Le film s’achève sur les conclusions du tribunal rendues le 17 avril 2017. Les juges, tous professionnels, ont examiné les actions de Monsanto au regard du droit, qu’il s’agisse des droits de l’Homme ou du droit environnemental. La firme a été jugée responsable de crime contre l’humanité et d’écocide.
» Le RoundUp face à ses juges » fait suite au film de la réalisatrice sorti il y a près de 10 ans et connu dans le monde entier : » Le monde selon Monsanto « . Rigoureusement construit, clair malgré la complexité du sujet, sans pathos malgré la tragédie silencieuse qu’il décrit, c’est un film très abouti. Il sera diffusé sur Arte le 17 octobre à 20h55.
AF Roger
Voir le trailer » Le RoundUp face à ses juges « , documentaire de Marie-Monique Robin, 1h 30.
» Le RoundUp face à ses juges » est également un livre en librairie le 19 octobre (éditions La découverte).