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Le thon rouge ne sera pas sauvé !

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Le commerce international du thon rouge d'Atlantique Est et de Méditerranée ne sera pas suspendu. La conférence de la CITES sur le commerce des espèces sauvages menacées a rejeté aujourd'hui à Doha la proposition de Monaco visant à suspendre les exportations de cette espèce.

Une journée funeste pour le thon rouge

Le Japon qui avait engagé un bras de fer contre les Etats-Unis et l’Union Européenne qui soutenaient une interdiction du commerce international du thon rouge, a finalement gagné le combat.

Lire « Thon rouge : Tokyo engage un bras de fer« 

Les négociations devaient se dérouler sur plusieurs jours. Mais les débats ont été soumis très rapidement au vote, suite à la demande de la Lybie, soutenue par le Soudan, ce qui a court-circuité la proposition de l’UE de créer un groupe de travail pour étudier d’éventuels amendements à leur proposition.

Résultat, le couperet est tombé sur le thon rouge. La proposition de Monaco d’un classement immédiat du thon rouge en Annexe I a été rejetée par une large majorité : 68 voix, contre 20 favorables et 30 abstentions.

La proposition européenne, qui prévoyait un délai d’inscription à l’annexe I, a quant à elle été refusée par 72 voix, contre 43 favorables et 24 abstentions.

« Je regrette un débat avorté et de n’avoir pu répondre à certaines contre-vérités énoncées », a indiqué Patrick van Klaveren, chef de la délégation de Monaco.

Des pays ravis de pouvoir continuer la surpêche du thon rouge

Le représentant du Japon Masanori Miyahara, s’est évidemment montré satisfait de cette décision. Surtout que le Japon avait été accusé de conduire un lobbying suivi de nombreux pays en développement comme la Tunisie, l’Indonésie, le Venezuela, le Chili, la Corée, et le Maroc.

Ces pays ont défendu aujourd’hui le rôle prioritaire de l’ICCAT (la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, qui réunit les pays pêcheurs).

Grenade a déclaré craindre pour « sa sécurité alimentaire ». Le Sénégal, comme la Namibie, redoutent quant à eux que d’autres espèces de thon ne soient à leur tour inscrites à la CITES.

« La majorité des pays a décidé de faire confiance à l’ICCAT, jugeant qu’elle avait tous les éléments pour résoudre le problème. Qu’elle le montre ! « , a déclaré Patrick van Klaveren, chef de la délégation de Monaco, en soulignant que « sinon, ce n’est pas la CITES qui ruinera les professionnels, mais la nature qui enverra une sanction sans appel ».

Il a tenu à rappeler aux délégués qu’en 1992 la gestion des stocks de thon rouge avait été confiée à l’ICCAT et que le résultat n’était pas très reluisant. « La capacité de reproduction du stock est passée de 200 000 tonnes à 60 000 en moins de 20 ans, et la taille des thons a été divisée de moitié (…) et la pêche illicite a été multipliée par trois », a-t-il noté.

L’indignation profonde des associations

Pour Greenpeace , l’espoir qui reste pour le thon rouge réside en l’ICCAT, organisation qui gère la pêche au thon, qui se tiendra en novembre, à Paris.  » C’est là que les gouvernements pourraient, enfin, décider de réduire les quotas de pêche pour assurer la survie du thon rouge« .

 » C’est une injure que l’on fait au vivant !! s’insurgent Isabelle Autissier, Présidente du WWF et Serge Orru, PDG de l’organisation mondiale de protection de l’environnement.  » Une fois de plus les instances internationales accouchent d’un échec malgré les avis scientifiques. Après Copenhague, ce nouveau fiasco montre la fracture qui est en train de se créer entre les opinions publiques qui sont de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux et des lobbyes d’une irresponsabilité flagrante. Nous appelons l’ensemble des citoyens à une mobilisation générale pour sauver le thon rouge« .

Lire « Les scientifiques attestent que le commerce du thon rouge doit être interdit« 

De son côté, Sébastien Genest, Président de France Nature Environnement, déclare :  » Il faudra s’interroger sur les moyens à engager pour gagner la confiance des pays du sud pour la défense des espèces et des ressources, tout comme le Japon a su s’y employer alors même qu’il servait des intérêts contraires, s’agissant du premier consommateur mondial de thon rouge « .

FNE s’engage à continuer de lutter, auprès des autres organisations, pour trouver une solution à la protection du thon rouge.

Ce jeudi 18 mars 2010 est une journée bien funeste. En plus de ne pas protéger le thon rouge, les membres de la CITES ont également rejeté aujourd’hui une proposition des Etats-Unis visant à interdire le commerce des peaux d’ours polaire.

Les générations futures vont-elles avoir le privilège d’ici quelques années de goûter au sushi de thon rouge et de savoir à quoi ressemble un ours blanc ?

Emilie Villeneuve

Info+

"L'Union européenne, on le voit bien, était divisée et sa position finale n'était en rien convaincante. Or, comme dans toute négociation internationale, la diplomatie est essentielle : il faut aller convaincre les Etats un par un, comme l'a fait le Japon et comme n'a pas pu le faire l'Union européenne, divisée et porteuse d'une position qui manquait pour le moins de clarté et de détermination ", note Serge Orru, Directeur Général du WWF-France.La France ne renonce pas à la protection du thon rouge.
"Soucieuse de l'avenir de cette espèce, et considérant que la seule protection efficace doit s'inscrire dans un cadre international, la France est décidée à proposer à l'Union européenne de continuer ses efforts pour convaincre les Etats parties de la Cites d'agir en faveur de la protection de cette espèce", a déclaré le ministre français de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo.

Dans un communiqué, Jean-Louis Borloo précise que cette protection pourrait s'effectuer "via un classement en annexe II qui régule le commerce international des espèces menacées".

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