Les énergies oui, mais renouvelables
Plusieurs domaines avaient été » confisqués « , tout ou partie, à la nouvelle Ministre de l’Ecologie par rapport aux attributions de Jean Louis- Borloo, en particulier l’énergie, la mer, voire les négociations sur le climat. Etait-ce un oubli ? Une erreur? Une volonté de retirer à ce ministère une partie de son pouvoir ?
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Devant les critiques, les inquiétudes exprimées par beaucoup de responsables politiques et d’ONG, et peut-être, aussi, les exigences de NKM, dont on sait qu’elle peut avoir la pugnacité nécessaire pour obtenir ce qu’elle veut, le Gouvernement vient donc de présenter des décrets recadrant les attributions réelles du ministère de l’écologie.
Les énergies oui, mais renouvelables
Ainsi concernant l’énergie, thème majeur pour l’écologie, les décrets précisent que :
La Ministre de l’écologie » est responsable de la préparation et de la mise en oeuvre de la politique du Gouvernement en matière d’énergies renouvelables, du développement et de la promotion des technologies vertes et de la diminution de la consommation énergétique « . Mais cela se fera » en lien avec le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie « .
C’est clair concernant les énergies renouvelables et les technologies vertes : elles demeurent bien dans les attributions de NKM, mais, et c’est nouveau, sous le regard attentif de Bercy.
En ce qui concerne les énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz, dont on sait qu’elles sont la principale cause du réchauffement climatique et que leur consommation va continuer à augmenter dans les 25 prochaines années, selon le rapport de l’Agence Internationale de l’Energie, elles ne seront donc pas de sa responsabilité mais de celles du ministère des Finances.
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Et quid de l’énergie nucléaire? Le décret précise que » le Ministère de l’Ecologie élabore et met en oeuvre, la politique en matière de sûreté nucléaire « . NKM n’est donc pas en charge de l’énergie nucléaire non plus, sauf en ce qui concerne la sécurité et encore ce sera » conjointement avec le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. «
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Développement durable et climat
Le Gouvernement précise par ailleurs que la » Ministre de l’écologie, prépare et met en oeuvre la politique du Gouvernement dans les domaines du développement durable et de l’environnement, du climat et de la sécurité industrielle « .
NKM est donc bien responsable du développement durable et de l’environnement. Mais jusqu’ou pourra-t-elle aller dans les exigences écologiques face aux exigences économiques ?
Concernant le nucléaire par exemple parviendra-t-elle à » gérer » Eric Besson qui, à peine installé à son Ministère, a déclaré qu’il était très favorable aux centrales nucléaires qui produisent pourtant des milliers de tonnes de déchets radio-actifs, dont on ne sait que faire, et qui vont aller polluer notre environnement pendant des centaines, voire des milliers d’années?
Pour ce qui est du climat, le Gouvernement précise également que c’est le ministère de l’écologie qui en garde la gestion. Il » élabore et met en oeuvre la politique de lutte contre le réchauffement climatique et la pollution atmosphérique. Il promeut une gestion durable des ressources rares. Il est en charge des négociations européennes et internationales sur le climat « mais le décret souligne que les négociations sur le climat devront être menées » en concertation avec le ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères et européennes « . La diplomatie s’invite donc à la table du climat.
Par ailleurs les décrets rappellent que le Ministère de l’écologie est » chargé du domaine de la mer » mais il précise les limites, » à l’exception de la pêche, des cultures marines et de la construction et de la réparation navales « .
Enfin le Gouvernement rappelle que le Ministère de l’écologie » est également compétent en matière de transports et de leurs infrastructures, d’équipement, de logement et de lutte contre la précarité et l’exclusion, de construction, d’urbanisme et d’aménagement foncier « .
Logique écologique contre logique économique
C’est quoi l’écologie ?
Au-delà de ces recadrages et de ces précisions du Gouvernement, on peut retenir plusieurs points : NKM n’a pas la responsabilité des énergies fossiles alors qu’elles sont la principale source d’émissions de CO2 et du réchauffement climatique, ni celle de l’énergie nucléaire alors qu’elle produit des milliers de tonnes de déchets radio-actifs, ni celle de l’agriculture alors que c’est la principale source de pollution par les pesticides de la terre et de l’eau, et que les OGM veulent s’inviter à notre table, ni la pèche alors que de très nombreuses espèces sont en voie de disparition, ni la forêt alors qu’elle joue un rôle majeur dans la capture de CO2…
Logique écologique contre logique économique
Ces précisions concernant les attributions du Ministère de l’Ecologie, visiblement nécessaires puisqu’elles ont fait l’objet de décrets présentés par le Premier Ministre, montrent finalement en creux le rétrécissement de son périmètre d’action et de ses responsabilités puisqu’il doit travailler en lien avec le Ministère des finances notamment concernant l’énergie, sujet capital, et le nucléaire, mais aussi avec le Ministère de l’Agriculture concernant la mer, et la pèche, et le Ministère des affaires étrangères concernant le climat.
Quelle sera alors sa marge de manoeuvre face à ses collègues ?
Bien sûr NKM trouve » normal » le fait de travailler en concertation avec d’autres Ministères, car un Gouvernement doit travailler en équipe. Mais si cela était si simple, il n’y aurait pas eu besoin de décret…
En pratique les uns et les autres vont devoir défendre des intérêts différents, voire totalement opposés. Comment va-t-elle faire pour pouvoir imposer sa logique écologique face à la logique économique ? Et ce ne sont pas les grandes espérances générées par la création de nouvelles technologies et d’emplois verts qui pourront à court terme faire pencher la balance de son côté.
Pour l’instant nous en sommes encore à la logique économique qui dit que la consommation doit sans cesse augmenter pour que notre système ne s’effondre pas. Mais ce faisant, bien sûr, nous le savons, cette logique aboutira inévitablement à l’épuisement de nos ressources, et à une catastrophe écologique majeure du fait du réchauffement climatique.
Ce n’est donc plus en termes de » consommer plus pour croitre plus » qu’il faut raisonner, mais de » consommer mieux pour vivre mieux ». C’est un nouveau paradigme que nous devons adopter.
Jean-louis Borloo l’avait bien compris, et en ayant les mains beaucoup plus libres que NKM ne les a aujourd’hui, il a pu imposer, via son » Grenelle de l’Environnement « , beaucoup de mesures qui ont fait grincer des dents les industriels et les gros agriculteurs, beaucoup de ses collègues Ministres et députés, et même le Premier Ministre. » Le plus souvent, a-t-il déclaré, j’ai accompli mes réformes malgré François Fillon. Il fut presque toujours mon principal opposant « .
NKM a indéniablement des convictions écologiques fortes. Mais parviendra-t-elle à s’imposer?
José Vieira