Les fruits et légumes bio, 70% plus chers ?!
Depuis 2007, Familles Rurales relève, pendant l’été, les prix de 8 fruits et 8 légumes en distinguant leur origine mais aussi les surfaces de vente. Deux relevés de prix (semaine du 14 juin et semaine du 12 juillet 2010) ont ainsi été effectués par 81 veilleurs consommation dans 38 départements cet été. Cette année, Familles Rurales a décidé de relever également le prix des fruits et légumes bio et le verdict est plutôt alarmant : les fruits et légumes bio seraient 70% plus chers que les fruits et légumes conventionnels.
Ainsi, selon le rapport, » le prix moyen des fruits bio s’établit à 5.54 euros contre 3.29 euros pour les fruits conventionnels soit 68% plus cher. Pour les légumes bio, le prix moyen est de 3.23 euros contre1.91 euros pour les légumes conventionnels soit 69% plus cher ».
L’étude révèle également que « dans la majorité des cas, les produits bio d’origine étrangère sont moins chers que ceux originaires de la France« .
« Le prix moyen d’un kilo de fruits et légumes bio s’élève à 4.29 euros dans un supermarché bio, 4.62 euros dans un hyper/supermarché et 4.88 dans un hard-discount. Il vaut mieux acheter ces produits dans les supermarchés bio pour obtenir le meilleur prix« .
Retrouvez les tableaux de comparaison de l’enquête ci-dessus ou sur le site www.famillesrurales.org.
Les résultats de cette étude sont pourtant pondérés, voire contestés, par un grand nombre de professionnels du secteur.
Une étude à pondérer
L’Interfel, l’Interprofession des fruits et légumes frais, a ainsi contesté dans un communiqué datant du 25 août les résultats de cette enquête. En effet, selon eux, la méthode utilisée par l’association n’est pas fiable : l’enquête aurait en effet été menée sur une trop courte période et sur une partie trop réduite du territoire français.
» Interfel, qui regroupe toute la filière du producteur au distributeur, avance un prix moyen de 2,31 euros le kilo pour des fruits bio, contre 1,99 euro le kilo pour une production standard, soit un écart de 16%. Pour les légumes, le différentiel est plus élevé (23%) avec un prix moyen du kilo bio de 2,35 euros contre 1,91 euro pour le non bio, toujours selon Interfel. Ces écarts sont bien inférieurs à ceux annoncés mardi par « Familles rurales » dans son observatoire annuel qui avait fait état d’un écart moyen de 68% entre les fruits bio et non bio. Pour les légumes, l’ordre de grandeur était du même ordre (69%) « .
Biocoop, le premier réseau français de magasins bio, a également pondéré les résultats de cette enquête en revenant sur les surcoûts liés à la production biologique.
» Face à un tel sujet, Biocoop souligne l’importance pour les consommateurs d’avoir une meilleure connaissance des enjeux de l’agriculture biologique et plus particulièrement de la réalité du marché des fruits & légumes afin de comprendre une telle étude « .
Pour eux, la période de comparaison des prix est trop courte et n’est donc pas suffisamment significative.
» Le marché des fruits & légumes est en fluctuation quotidienne. La saisonnalité des produits, les volumes de production et les conditions climatiques sont des paramètres qui influent sur les prix et ce, tous les jours » explique Marc Heber, Directeur secteur fruits & légumes de Biocoop.
La météo est en effet un élément déterminant dans la production de fruits et légumes bio. Pourtant, l’étude ne prend pas en compte les conditions météorologiques de 2010, des conditions qui ont été très difficiles pour l’agriculture biologique (gelées et froid tardifs, pluie insuffisante).
» En production biologique, les légumes et les fruits sont en plein champ ou dans des abris dépourvus de moyens de forçage. Ils sont bien plus soumis aux aléas climatiques que les productions conventionnelles, souvent sous serres chauffées et hors sol. Les fluctuations de la consommation et le jeu de l’offre et de la demande s’opèrent en défaveur des producteurs » reprend Marc Heber, avant de préciser » qu’ une enquête portée sur une saison complète, pendant 2 ou 3 ans, eût été alors plus pertinente. Elle aurait probablement révélée une différence de coût plus insignifiante « .
Des consommateurs déconnectés des coûts réels
La vraie valeur du bio
Suite à cette affaire, les professionnels de la bio ont justement souhaité rappeler la vrai valeur du bio aux consommateurs car » la consommation de produits bio est avant tout une consommation responsable qui prend en considération des facteurs environnementaux et humains « .
L’agriculture biologique exige en effet beaucoup de main d’oeuvre et un savoir faire précis qui méritent, comme toutes compétences, d’être rémunérés à leur juste valeur. Les producteurs doivent pouvoir vivre décemment de leurs productions.
Vendre et consommer sont en effet des actes responsables qu’un prix devrait illustrer au mieux. Plus particulièrement lorsqu’il s’agit de produits qui impliquent le travail de femmes et d’hommes qui vivent d’une production aléatoire.
Un consommateur dupé
» Avec leurs pratiques de prix bas, les grands distributeurs font croire aux consommateurs qu’il est possible de payer fruits & légumes en dessous de leur prix de revient, sans qu’il n’y ait aucune conséquence. Les consommateurs sont alors déconnectés du prix réel « , rappel Biocoop.
Les prix des produits bio sont plus élevés ? Faut-il rappeler les coûts cachés qu’engendre l’agriculture conventionnelle : nappes phréatiques polluées, abeilles en voie d’extinction, pesticides inhalés par les producteurs et dispersés dans l’environnement, des OGM dans les aliments…Face à ces conséquences, des mesures sont prises et mises en place que les producteurs mais surtout les consommateurs payent indirectement par leurs impôts…. et la facture sur l’environnement et la santé est lourde !
Alors, quelles mesures concrètes pour vraiment faire baisser les prix de la bio ?
» La production biologique est encore insuffisante en France pour répondre à la demande des consommateurs. Il faut donc développer l’agriculture biologique pour que les prix baissent sans pour autant léser les producteurs.
Le Grenelle de l’Environnement a fixé un objectif de 6% de la SAU (surface agricole utile) exploités en agriculture biologique pour 2010. A moins de 5 mois de l’année 2011, seuls 2,5% de la SAU lui sont dédiés « , précise Biocoop dans son communiqué.
Il faut soutenir la conversion pour développer l’agriculture biologique
» Pour un agriculteur, être en conversion (passer de la pratique d’une production conventionnelle à celle d’une production biologique) est un pari sur l’avenir : il investit et s’investit tandis que sa production ne pourra être vendue comme production biologique (il faut attendre 3 ans). Pour lever ce frein et inciter à la conversion, des aides et des subventions conséquentes doivent être débloquées par l’Etat et les organismes concernés « , estime encore Biocoop.
» Avec Horizon 2012, le Ministère de l’alimentation, de la pêche et de l’agriculture a estimé, pour 2010, à 29 M d’euros, une enveloppe destinées aux aides à la conversion et au maintien à l’agriculture biologique. Or, il faudrait moins soutenir l’agriculture intensive polluante et génératrice de coût environnemental pour la société (pollution des nappes phréatiques, d’appauvrissement sociétal désertification rurale), insécurisant pour le consommateur (résidus de pesticide) au profit de l’agriculture biologique qui apporte une réponse concrète à ces trois problèmes. » explique Vincent Lestani, Directeur de la CABSO (Coopérative des Agriculteurs Biologistes du Sud Ouest).
La consommation de produits bio entraine ainsi des enjeux d’équité, de solidarité et environnementaux qui ont une valeur. C’est à nous, consommateurs, de s’en rendre compte et décider ainsi ce qui nous semble juste .
H de M