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Les vignes OGM en Alsace font débat

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Le ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire a donné son feu vert pour la poursuite en Alsace d'essais en plein champ de plants de vigne transgéniques. Une décision jugée "irresponsable" par beaucoup.

Des essais de vignes OGM autorisées en Alsace

« Je vais autoriser, et j’ai signé l’arrêté, les essais en plein champ sur une vigne OGM. Cette décision, prise en accord avec (le ministre de l’Ecologie) Jean-Louis Borloo, est entourée de toutes les garanties nécessaires », a déclaré Bruno Le Maire, le ministre de l’Agriculture, avant-hier sur RMC.

L’Institut national de recherche agronomique (Inra) de Colmar avait demandé au ministère de l’Agriculture la poursuite des essais, achevés fin 2009, qu’il mène depuis 2005 sur 70 plants de vignes OGM.

Le 4 avril 2010, le Haut conseil des biotechnologies, instance créée à l’issue du Grenelle de l’environnement, avait déjà donné son feu vert à la poursuite, pendant 4 ans, de cette expérimentation pilotée par l’Institut national de recherche agronomique (Inra).

Une décision félicitée par l’AFBV, Association Française des Biotechnologies Végétales, qui a « alerté » le ministre de l’Agriculture et le ministre de l’Environnement sur  » l’impérieuse nécessité que cette autorisation soit actée au plus vite, dés la fin de la période de consultation du public, c’est à dire au début du mois de mai 2010  » pour que l’expérimentation se poursuive.

 » Tout report de la décision gouvernementale au delà de cette date obligerait l’Inra à repartir de zéro et condamnerait de fait cette recherche, note l’AFBV, soulignant que  » l’arrêt de cette expérimentation entraînerait alors une perte de connaissances de notre recherche publique qui profiterait à nos concurrents étrangers alors que le marché de la viticulture est de plus en plus mondial. « 

A noter que fin septembre 2009, le Tribunal administratif de Colmar avait déclaré illégale la parcelle sur laquelle travaillait l’Inra pour expérimenter ses 70 ceps. Le ministère de l’Agriculture et l’Inra ont alors fait appel de cette décision.

Des ogm pour mieux lutter contre le virus du court-noué

L’Inra avait lancé en 2005 un essai au champ de porte-greffe modifié génétiquement à Colmar pour protéger la vigne d’une maladie virale sans traitement (ni raisin ni vin n’ont été produits).

L’essai, qui avait obtenu l’avis favorable de la Commission du génie biomoléculaire en mai 2004, avait pour objectif d’acquérir des connaissances sur le phénomène de résistance de la vigne au virus du court-noué, maladie mortelle pour la vigne et sans traitement.

 » Le court-noué est une maladie virale présente dans la quasi-totalité des régions viticoles du monde où elle provoque la mort des vignes et rend les terres impropres à la viticulture. Le virus responsable est transmis au vignoble de cep à cep par un nématode (ver du sol) qui s’alimente au niveau des racines. Les méthodes de lutte actuelles font appel à des produits chimiques très polluants et inefficaces, cet essai a pour objectif de chercher une alternative de lutte. En s’appuyant sur le séquençage du génome de la vigne, cet essai devrait permettre l’identification des gènes de défense naturelle de la vigne contre les maladies « , explique l’Inra.

Selon l’Institut, aucun traitement n’est donc efficace contre le court-noué. Le député européen José Bové a cependant affirmé le contraire; il existe aujourd’hui d’après lui d’autres méthodes de lutte contre cette maladie virale.

« Au niveau de l’ensemble de la viticulture, personne ne veut de ces vignes OGM. C’est donc une mauvaise idée que d’autoriser la poursuite en Alsace d’essais en plein champ », a affirmé le vice-président de la Commission Agriculture et Développement rural du Parlement européen, à Strasbourg où il se trouve à l’occasion d’une session du Parlement européen.

Ecologistes et paysans montent au créneau

Pour les Verts Alsace, ces essais représentent une « décision irresponsable ». « Irresponsable pour la santé publique de tous nos concitoyens compte tenu des risques avérés de dissémination en plein champ. La santé des populations est mise au rencart », a souligné Alain Jund, porte-parole des Verts Alsace.

Quant à Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts et porte parole d’Europe Ecologie,  » face au fléau de la maladie du Court-noué, la filière viticole alsacienne doit bénéficier de tous les moyens de la recherche publique, notamment de l’Inra. Cependant, les vins d’Alsace ne doivent pas courir le risque de devenir un cobaye transgénique sous couvert du sempiternel prétexte de l’innovation et perdre ainsi leur qualité de produit de terroir, avec des conséquences économiques qui pourraient s’avérer bien plus irrémédiables. »

Le gouvernement  » passe en force  » pour Sandrine Bélier, député européen d‘Europe Écologie, membre de la Commission environnement du Parlement européen.  » Dans une région qui a fait de la production du vin biologique une priorité et un fort axe de développement économique, cette décision risque de fragiliser toute une filière et de dénaturer l’image des vins d’Alsace. Nous demandons le retrait de cette autorisation inutile techniquement et contraire à l’intérêt public « .

La Confédération paysanne, syndicat agricole minoritaire, déplore aussi l’autorisation du ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire de poursuivre en Alsace ces essais en plein champ de plants de vigne transgéniques. Elle se dit  » défavorable à la poursuite de l’essai en milieu ouvert », qui « constitue une menace inutile pour le vignoble local et la biodiversité « , selon un communiqué. « Il est par ailleurs incohérent et risqué de proposer des essais OGM en plein champ avec des gènes de résistance aux antibiotiques, aucune évaluation des effets cumulés à long terme n’ayant été réalisée. Enfin, l’essai n’est pas protégé des oiseaux ni des insectes, qui sont vecteurs de plusieurs maladies du vignoble », note le syndicat.

Mais pour Bruno Le Maire, »l’avenir de l’agriculture repose aussi sur sa capacité d’innovation et de recherche. On ne peut pas laisser tomber cette capacité, même s’il faut l’entourer de toutes les précautions. Il ne faut pas avoir une vision passéiste de l’agriculture « .

Les ogm, avenir de l’agriculture ??!  » En matière transgénique, l’opacité et la tactique  » du fait accompli  » sont la cause de nombreux dégâts à travers le monde « , rapelle Cécile Duflot, Secrétaire nationale des Verts et porte parole d’Europe Ecologie.

Emilie Villeneuve

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