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Nanotechnologies : il est urgent de les encadrer

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Par Bioaddict

Le Centre d'Analyse Stratégique qui conseille le Gouvernement vient de publier un rapport permettant de mesurer l'importance considérable des nanotechnologies et les problèmes potentiels qu'elles soulèvent en termes de santé, d'environnement et d'éthique. Il propose cinq recommandations pour encadrer très rapidement leur développement.

Multiples applications et multiples incertitudes…

Après les OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) voici venu le temps des OAM (Organismes Atomiquement Modifiés), les nanoproduits. Leur taille est de l’ordre du milliardième de mètre et ils ont des applications multiples, en progression constante, dans de nombreux domaines comme la médecine, la pharmacie, les produits cométiques, l’alimentation, les vêtements… Très rapidement ils couvriront tous les secteurs d’activité.

Il s’agit bien d’une innovation majeure qui prépare une véritable révolution industrielle.
Mais ne sommes nous pas allés trop vite ? Les nanotechnologies, actuellement développées sans véritables garde fous, ne risquent-elles pas de provoquer des catastrophes sanitaires, environnementales et sociétales comme beaucoup le craignent ? Comment assurer leur développement sans faire courir à l’homme des risques aujourd’hui encore insoupçonnés ?

De multiples applications

Bien que le terme nanotechnologies ait été employé en 1974 par un chercheur japonais ce n’est que depuis une dizaine d’années que les applications de cette nouvelle technologie, en rupture totale avec ce qui se faisait auparavant, ont commencé. Elles concernent des disciplines scientifiques très variées comme la physique, la chimie, la biologie, les sciences cognitives… Et à travers le monde des équipes de recherche ont engagé la course aux brevets.

Il faut dire que les applications des nanomatériaux, inenvisageables il y a seulement quelques années, sont extraordinaires et quasiment infinies.

Aujourd’hui ils sont déjà utilisés pour améliorer les propriétés des matériaux, pour les alléger, pour renforcer leur résistance, pour améliorer leur adhérence, pour transporter des principes actifs des médicaments jusqu’aux cellules cibles à détruire, pour augmenter la durée de vie des outils, pour améliorer le rendement des panneaux solaires, pour optimiser la filtration de l’eau, pour augmenter l’autonomie des batteries…

Dans le domaine de la santé les nanotechnologies vont permettre d’améliorer le diagnostic et le traitement des maladies, en affinant les techniques de laboratoire et en optimisant l’efficacité des médicaments : les principes actifs pourront être transportés jusqu’aux cellules cibles à détruire.

Concrètement aujourd’hui plus de 1 300 produits incorporant des nanotechnologies sont déjà commercialisés. Mais une fois de plus les responsables politiques sont dépassés par cette nouvelle technologie qui a ainsi pu se mettre en place et se développer sans véritable cadre réglementaire ou juridique. Ce vide a déjà permis aux nanoproduits de s’installer insidieusement dans notre quotidien.

Impacts sanitaires et problèmes éthiques

Quels effets sur la santé ?

Pourtant leurs risques potentiels pour la santé et l’environnement sont pointés du doigt par de nombreux chercheurs. Leur taille microscopique leur permet en effet de pénétrer dans notre organisme par la peau, de peut être passer la barrière de protection de notre cerveau, et de perturber le programme de certaines cellules touchées.

Quels pourraient être alors les effets réels sur la santé ? Nous n’en savons trop rien. Peu d’études toxicologiques ont été menées. Parce que c’est un nouveau domaine. Parce que, aussi, les données des industriels qui craignent le piratage de leurs brevets sont confidentielles. Il est donc très difficile de définir des protocoles d’études pertinents car il s’agit précisément de nouveaux produits très complexes, sur lesquels nous n’avons presque aucun recul.

Et le pire c’est que nous ne parviendrons jamais à étudier les effets sur la santé de chacune des nanoparticules.

Selon certaines études, explique le Centre d’Analyse stratégiques , près de 50 ans seraient nécessaires uniquement pour tester la toxicité de tous les nanomatériaux actuels. Par ailleurs les tests sur seulement 2 000 substances par an pourraient coûter 10 milliards de dollars, et nécessiteraient le sacrifice d’un nombre considérable d’animaux de laboratoire chaque année pour réaliser les essais de toxicité in vivo .

Alors plutôt que de vouloir mener un combat quasiment impossible pour contrôler la toxicité de toutes les nanomolécules en bout de chaine on se contenterait de limiter les risques en agissant au niveau de la conception de ces produits. Mais sur quels critères ? Nous n’en savons encore trop rien.

Problèmes éthiques

Enfin, en plus des problèmes de santé et d’environnement, les nanotechnologies soulèvent des problèmes éthiques majeurs. Les nanomatériaux vont en effet permettre de suivre les individus à la trace grâce aux puces implantables dans l’organisme, de créer des mécanismes biologiques apparentés à la vie, d’hybrider le corps humain avec des dispositifs artificiels actifs, d’augmenter les performances physiques et mentales des individus…

Que fera l’homme devant toutes ces possibilités ? En fait le problème qui va se poser à lui, ne sera pas  » qu’est- ce que je peux faire avec les nanotechnologies « , mais  » jusqu’ou est il raisonnable d’aller pour ne pas mettre en péril l’intégrité humaine « . Il faudra que l’homme  » recoure à un surcroit de volonté et de conscience  » pour choisir et se déterminer, estime le philosophe Jean-Pierre Dupuy.

Considérant qu’il est devenu indispensable d’intervenir au plus vite pour encadrer ces nouvelles technologies sans pour autant les étouffer le Centre d’Analyses Stratégiques vient donc d’adresser au Gouvernement plusieurs recommandations :

– Lancement d un plan d’action pour structurer et définir le cadre de développement responsable des nanotechnologies .
– Création d’un observatoire européen, voire mondial, de leur développement et de leurs différents impacts sanitaires , environnementaux, éthiques et sociétaux . L’ObservatoryNano européen est sur les rails mais il n’est pas encore pérennisé. L’équivalent d’un GIEC des nano serait l’idée à retenir.
-Participation du public et de l’ensemble des parties prenantes en amont et tout au long du développement des nanotechnologies ;
-Création d’une « filière intégrée » des nanotechnologies pour assurer le passage entre la recherche et les applications, et préparer dès aujourd’hui la compétitivité de demain.
-Et enfin, mise en place d’une stratégie de prévention des risques sanitaires et environnementaux des nanotechnologies, en agissant en amont et non pas en bout de chaine. Elle comprendrait l’obligation de stabiliser des nanomatériaux dès leur conception, de mesurer et d’assurer la traçabilité des nanoparticules, et de maîtriser l’exposition à ces produits..

Mais, les enjeux économiques étant tellement considérables, n’est-il pas déjà trop tard pour encadrer le développement des nanotechnologies ? Chacun des pays en est encore à raisonner localement alors qu’il s’agit d’un problème mondial. Les industriels ont la voie libre pour avancer.

Comme pour l’amiante, la dioxine, les pesticides, les farines animales, le bisphénol A et bien d’autres produits, le risque est grand, une fois encore, que les mesures de précaution ne soient prises qu’après observation des dégâts.

Hervé de Malières

Info+

C'est quoi les nanotechnologies ?

La définition des nanotechnologies n'est pas encore à ce jour clarifiée.

Les nanosciences visent à comprendre et utiliser les propriétés physiques, chimiques et mécaniques nouvelles, induites par le passage de la dimension des objets à l'échelle du milliardième de mètre.

Les nanotechnologies regroupent les instruments, les techniques de fabrication et les applications dérivées exploitant les phénomènes spécifiques liés à l'échelle nanométrique. La matière utilisée peut présenter des propriétés particulières, éventuellement différentes de celles des mêmes matériaux aux échelles supérieures : résistance mécanique, réactivité chimique, conductivité électrique ou propriétés optiques.

Les recherches ont rendu possibles non seulement l'observation, mais aussi le contrôle et l'utilisation de ces propriétés particulières de la matière à l'échelle nanométrique. Des matériaux aux propriétés intéressantes, parfois inédites, ou spectaculairement modifiées ont ainsi émergé Ce qu'elles couvrent traverse les frontières traditionnelles entre la physique, la chimie, la biologie, les mathématiques, les technologies de l'information et l'ingénierie. Elles peuvent être considérées en quelque sorte comme une "boîte à outils" permettant des modifications de procédés et produits, allant d'une simple évolution (modification des propriétés physiques d'un matériau par l'incorporation de nanoparticules) à de véritables ruptures technologiques (nanocapteurs sensoriels inspirés de la biologie). Leurs applications potentielles sont extrêmement diversifiées, depuis la nanoélectronique jusqu'à la vectorisation des médicaments. Ce qui unifie ce champ hétérogène est la mobilisation progressive des capacités de manipulation de la matière à l'échelle nanométrique

Des instances de normalisation internationales (ISO) et nationales (AFNOR) travaillent pour établir un langage commun aux différents acteurs et aux différents pays pour pouvoir les réguler.

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