Produits bio : un étiquetage nutritionnel à revoir rapidement
Créé en 2008, l’Observatoire de la qualité de l’alimentation (OQALI) été mis en place par l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique et l’AFSSA (Agence Française de sécurité sanitaire). Sa mission est de suivre la qualité de l’offre, sur le plan nutritionnel et socio-économique, dans trois catégories de produits alimentaires : les céréales du petit déjeuner, les biscuits et gâteaux industriels, et les produits laitiers ultra-frais.
» Mais les produits bio n’ont pas été retenus dans la base de données « , s’est étonnée Cécile Frissur, déléguée générale de Synabio (syndicat des entreprises bio) lors d’une conférence organisée au Médec, le congrès professionnel des Médecins.
Ce qui laisserait supposer qu’il n’y a pas de différence entre les produits bio et non bio…
Synabio a donc lancé une étude qualitative auprès de ses adhérents pour faire un état des lieux concernant l’étiquetage nutritionnel actuel des produits bio de ces trois catégories d’aliments, évaluer l’opportunité d’une incorporation de données spécifiques aux produits biologiques dans la base de données OQALI, et proposer un nouveau projet d’étiquetage plus précis et mettant bien en avant les qualités des produits bio.
Un etiquetage souvent incomplet et imprécis
L’étude a porté sur 2535 références de produits bio avec un étiquetage nutritionnel collectées auprès de 80% de marques nationales, de 16% des marques de distributeurs, et de 4% des marques de hard discount.
Curieusement, il ressort de l’étude que si environ 80% des entreprises bio adhérentes de Synabio mettent déjà un étiquetage nutritionnel sur leurs produits, seulement 50% d’entres elles utilisent un étiquetage qui précise la valeur énergétique, la quantité de protéines, de glucides, de sucres, de lipides, d’acides gras saturés, de fibres alimentaires et de sodium, et seulement 11% positionnent l’étiquette en face avant de l’emballage.
Et l’étude montre aussi que l’étiquetage nutritionnel et qualitatif des produits bio n’est présent que sur l’emballage de seulement 20% des céréales bio, 50% des biscuits et gâteaux, et 80% des produits laitiers ultra-frais .
En outre la comparaison entres les céréales bio et les céréales conventionnelles du petit déjeuner montre clairement dans l’étude que l’étiquetage des céréales conventionnelles est nettement plus précis .
Ainsi, seulement 42% des produits bio référencés ont un étiquetage nutritionnel, contre 99% des produits conventionnels.
Et seulement 17 % des produits bio, contre 90% des produits conventionnels, ont un étiquetage qui précise la valeur énergétique, la quantité de protéines, de glucides, de sucres, de lipides, d’acides gras saturés, de fibres alimentaires, et de sodium et au moins un des éléments suivants : amidon, polyols, acides gras mono-insaturés, acides gras polyinsaturés, cholestérol, vitamines et minéraux.
La différence d’étiquetage est donc très importante aux dépends des produits bio.
Concernant les produits laitiers ultra-frais la comparaison de l’étiquetage est aussi en faveur des produits conventionnels : 83% de produits bio ont un étiquetage nutritionnel contre 91% des produits conventionnels, et seulement 31% ont un étiquetage précis contre 50% des produits conventionnels.
Les qualités des produits bio
Comment expliquer ce manque de précisions défavorable aux produits bio ?
» D’autant que, précise Cécile Frissur, l’analyse nutritionnelle comparative des 3 secteurs étudiés ne montre aucune différence en faveur des produits conventionnels « .
Les produits bio, naturels, cultivés et transformés dans la cadre d’une règlementation stricte, offrent au contraire des qualités additionnelles très importantes. Les produits bio sont en effet sans pesticides et sans OGM. Ils ne contiennent pas de produits de synthèse : ni colorants, ni arômes, ni exhausteurs de goût, ni conservateurs, ni émulsifiants artificiels. Ils ne contiennent pas d’acides gras trans, graisses hydrogénées dont la toxicité est reconnue. Pour conserver leur authenticité ils ne sont pas supplémentés en matières grasses, ni en vitamines de synthèse, ni en sels minéraux. Et ils ne sont pas irradiés pour leur conservation…
Par ailleurs les lipides des céréales bio sont le plus souvent extraits de fruits secs ou de fèves de cacao.
Enfin les matières sucrantes biologiques sont à base de sucre de canne complet, de miel, et de sirop de céréables qui ont un fort pouvoir sucrant, des teneurs importantes en sels minéraux et un faible index glycémique.
Alors pourquoi ne pas mettre toutes ces qualités en valeur ?
Un étiquetage nutritionnel obligatoire ?
Un étiquetage nutritionnel obligatoire ?
Dans ce sens, Synabio a proposé à ses adhérents de créer un étiquetage nutritionnel qui serait obligatoire, placé en facing sur l’emballage de toutes les denrées alimentaires bio et qui serait d’une taille minimale de 3mm pour être bien lisible.
Il comporterait les informations suivantes :
-valeur énergétique
-composition et teneur en lipides dont les acides gras saturés
-composition et teneur en glucides dont les sucres
– teneur en sel.
D’autres informations seraient facultatives, comme la teneur en protéines , en fibres et vitamines et sels minéraux, en acides gras mono-insaturés, en acides gras poly-insaturés et en acides gras trans.
C’est un projet qui va dans le bon sens.
Les entreprises réticentes
Mais 52% des entreprises qui ont participé à l’étude sont opposées à l’étiquetage nutritionnel obligatoire en facing. Comment expliquer ce choix? Quand on a des avantages il faut les mettre en avant surtout quand en face la concurrence ne fait pas de cadeaux.
» Beaucoup d’entreprises bio sont contre cet étiquetage car elles considèrent que les consommateurs savent que les produits bio sont des produits naturels plus sains, et dont la culture est respectueuse du développement durable et de l’environnement » souligne Cécile Brissur.
Mais ce n’est pas si simple. De très nombreux consommateurs, même éclairés, doutent encore de l’intérêt du bio et le qualifient d' » effet de mode « , voire d’arnaque pour les gogos et les bobos. Le fait que l’Observatoire OQALI ne les différencie pas dans ses études est finalement très révélateur de l’amalgame qui est fait entre le bio et le non bio.
Il est donc indispensable de continuer à expliquer encore et encore les différences qualitatives nutritionnelles et globales, majeures, entre les produits bio et non bio. Et pour ce faire l’étiquetage est fondamental. Le consommateur a besoin de savoir et d’être en confiance.
Le combat de l’information sur le bio ne fait que commencer
Mais si ce projet était aujourd’hui mis en place très peu de produits bio auraient un étiquetage conforme. Et c’est peut-être aussi pour ça que les entreprises bio, déjà très chargées en contraintes qualitatives, n’y sont pas favorables.
C’est pourtant le prix à payer pour que le bio ne soit pas considéré comme une catégorie de produits dont la qualité est subjective, ou va de soi.
Il ne suffit pas de dire que c’est bio pour que ce soit meilleur. Il faut l’expliquer, le justifier.
L’étiquetage bio doit donc devenir non seulement obligatoire pour rassurer le consommateur mais aussi un modèle d’information sur lequel les produits conventionnels devront s’aligner.
Il reste beaucoup de chemin à faire. Le combat de l’information sur le bio ne fait que commencer .Mais toutes les entreprises concernées, petits exploitants et industriels, doivent être convaincues que ce combat doit être mené.
José Vieira