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Yannick Chénet : décès d’un agriculteur victime des pesticides

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Par Bioaddict

Yannick Chénet, qui avait témoigné dans le film "Severn" de Jean-Paul Jaud sur les dangers liés aux pesticides, est décédé il y a quelques jours.

Yannick Chénet, 43 ans, viticulteur à Saujon (Charente-Maritime), s’est éteint samedi soir (15 janvier), des suites d’une leucémie reconnue comme maladie professionnelle par la Mutualité sociale agricole. Il avait notamment témoigné dans le film Severn de Jean-Paul Jaud sur le danger des pesticides.

Lire : Severn, la voix de nos enfants : respectons la Terre pour sauver l’Humanité

Dans ce long métrage, sorti en novembre dernier dans les salles en France, il livrait un témoignage poignant sur sa maladie et pointait du doigt « le scandale Monsanto » :  » Les produits qui m’ont empoisonné et ceux qu’on me donne pour me guérir sont fabriqués par une seule et unique firme. «  Sur son exploitation, il utilisait, pour le traitement de ses vignes, des produits contenant du Benzène, produit chimique qui déclenche des leucémies.

Les personnes les plus fréquemment victimes d’intoxications aiguës par les pesticides sont bien sûr les agriculteurs, qui manipulent et appliquent ces pesticides sur leurs cultures. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a estimé qu’il y a chaque année dans le monde 1 million de graves empoisonnements par les pesticides, avec quelque 220 000 décès. En France, la Mutualité Sociale Agricole (M.S.A.), qui a en charge la médecine du travail et la prévention des risques professionnels des salariés agricoles, a trouvé des effets indésirables chez près d’un manipulateur sur 6 lors d’enquêtes portant sur une année d’utilisation professionnelle de pesticides.

Lire : Le lien entre pesticides et cancers chez les agriculteurs est établi

Du fait d’un rejet de greffe, Yannick Chénet n’était plus en mesure de travailler. Avec sa femme et Paul François, un jeune agriculteur qui a décidé de passer au bio après avoir été intoxiqué par les pesticides, et qui a également témoigné dans le film Severn, il faisait partie de Générations Futures (ex-MDRGF) qui vient en aide aux victimes des pesticides.

Paul François témoignait hier sur RTL suite au décès de son ami :  » Ce métier, cette passion, l’a empoisonné. (…) S’attaquer à une firme comme Monsanto, c’est un peu de la folie et certains matins, je voudrai abandonner, mais le décès de Yannick me donne le courage de continuer. J’ai peur que Yannick soit un des premiers d’une longue liste. Il faut absolument se fédérer pour se défendre vis à vis de ces grandes firmes. » Paul François a en effet attaqué le chimiquier Monsanto en justice et tente aujourd’hui de fédérer les dizaines de paysans victimes de ces produits.

« Nous avons la conviction très forte qu’au vu de cette nouvelle, le combat doit se poursuivre en mémoire de toutes celles et ceux qui, comme Yannick, voient leur vie s’arrêter parce qu’ils ont utilisé des produits auxquels ils n’auraient pas dû être exposés », a déclaré Nadine Lauverjat, porte-parole de l’association Générations Futures dans un communiqué.

« Arrêtons le massacre. Nous avons le devoir de clamer haut et fort que notre terroir nous tue. On ne peut rester indifférent à la mort de Yannick et à toutes les autres qui vont venir. Refusons cette omerta dont s’accommodent la majorité des agriculteurs », a réagi le réalisateur de Severn, Jean-Paul Jaud, dans Sud-Ouest.

« Des centaines d’études publiées dans les revues scientifiques les plus prestigieuses montrent sans contestation possible que les pesticides, même à doses infinitésimales, sont de graves poisons qui provoquent de nombreux cancers, bouleversent les systèmes immunitaire et endocrinien, limitent la fertilité, augmentent les risques de malformatios intra-utérines. Il est vraisemblable, il est probable que des centaines de milliers de Français souffrent d’ores et déjà de maladies, bénignes ou graves, liées aux épandages massifs de pesticides. Il est certain, hélas, que de nombreuses molécules toxiques, mutagènes, cancérigènes, sont fixées dans les graisses de nos corps, qu’on vive en ville ou à la campagne. Il est tout aussi sûr que le sang contenu dans le cordon ombilical de chaque nouveau-né est massivement intoxiqué. La situation est folle ? Oui, elle est folle! L’histoire des pesticides en France est un scandale absolu! », peut-on lire dans l’ouvrage de Fabrice Nicolino et François Veillerette, intitulé Pesticides, révélations sur un scandale français.

L’annonce de ce décès trouve un étonnant écho dans les propos tenus hier par Nicolas Sarkozy lors ses voeux prononcés en Alsace au monde rural : « Je veux réaffirmer clairement mon attachement à une agriculture durable, respectueuse de son environnement et qui ne met pas en danger la santé des paysans ».

Les obsèques de Yannick Chénet auront lieu jeudi matin (20 janvier). Afin de lui rendre hommage, ainsi qu’à sa femme et à ses deux filles, continuons le combat contre les pesticides pour lui… pour nous…

Christina Vieira

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Info+

PAUL FRANCOIS : le combat d'un jeune agriculteur qui a décidé de passer au bio, après avoir été intoxiqué par les pesticides

Agriculteur conventionnel à Ruffec en Charente, Paul François a été victime d'une grave intoxication aux pesticides le 17 avril 2004. Après des années de procédures judiciaires, le Tribunal des Affaires de Sécurité Social (Tass) a enfin considéré en novembre 2008 qu'il avait bien été victime d'un accident du travail sur sa ferme ; et son accident a été reconnu comme maladie professionnelle le 28 janvier 2010 par la chambre sociale de la Cour d'Appel de Bordeaux. Il mène aujourd'hui de front un combat judiciaire et sa conversion à l'agriculture durable. Depuis son accident, Paul François se bat pour mettre en place une jurisprudence qui protège les agriculteurs. La France est en effet le 3ème pays utilisateur de produits phytosanitaires au monde. Il incite les agriculteurs à utiliser moins de produits chimiques de synthèse et soutient désormais la pratique d'une agriculture biologique qui respecte la biodiversité. Son exploitation de 400 hectares est menée en agriculture durable : en semant du trèfle après chaque moisson, en pratiquant la rotation des cultures et en remettant du fumier sur ses terres, il a réussi à diminuer de 30 à 40% l'emploi des produits phytosanitaires sur les champs de maïs et de tournesol. Aujourd'hui vice-président de la communauté de communes de Ruffec en Charente, il est en charge de l'environnement et applique le programme " Terre saine-zéro pesticide ". Il a ainsi banni l'usage de désherbants dans les espaces publics (cours d'école, squares et trottoirs) des communes environnantes.

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