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Intermarché épinglé pour publicité mensongère et greenwashing

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Par Bioaddict

L'association Bloom a accusé Intermarché de publicité mensongère au sujet de ses pratiques de pêche... et a gagné ! La publicité du Groupe Les Mousquetaires est maintenant interdite.

Le Jury de Déontologie Publicitaire vient de rendre publique sa décision à propos de la plainte déposée par l’Association Bloom contre Intermarché pour publicité mensongère : la publicité est interdite au motif que son libellé peut  » conduire à penser  » que le groupement Les Mousquetaires joue un rôle  » déterminant  »  » dans la préservation et le renouvellement des ressources marines « . Quant à  » l’auto-label « , tel que le Jury désigne le logo  » pêche responsable  » d’Intermarché, il s’est fait épingler pour sa  » forte ressemblance avec le label du MSC  » (le Marine Stewardship Council), mondialement connu et qui certifie, lui, une  » pêche durable  » et non une pêche  » responsable « .

Le jury demande de  » faire cesser cette publicité et qu’elle ne soit pas renouvelée  »

Cette décision, jugée  » rassurante  » par l’association Bloom, met ainsi un terme à la tentative  d’Intermarché de faire croire qu’il existerait une exception française en matière de pêche profonde.  » Alors qu’une littérature scientifique très abondante prouve le caractère non durable des pêches profondes industrielles, les deux ou trois acteurs français de ces pêches destructrices, Intermarché en tête, ont réussi le tour de force depuis le Grenelle de la Mer de verrouiller la possibilité d’un débat objectif sur ces pêches impactant l’environnement autant que les finances publiques  » (Intermarché bénéficie de subventions très importantes pour ses navires industriels) commente Claire Nouvian, fondatrice de Bloom.

Etanche à l’accablant cumul d’études scientifiques tirant l’alarme à propos des pêches chalutières en eaux profondes, la flotte d’Intermarché, la Scapêche, fait un lobbying actif au niveau européen pour défendre ses intérêts, clamant haut et fort l’exemplarité de ses pratiques.  » Le stratagème d’Intermarché consiste à prendre le contre-pied systématique des griefs qui lui sont attribués en utilisant des ficelles énormes, comme l’affirmation que ses chaluts déployés jusqu’à 1500 mètres de profondeur « exercent une pression sur le fond inférieure à celle d’un marcheur sur une plage ». Un tel commentaire serait risible s’il ne semait pas le doute dans l’esprit des fonctionnaires et des élus, or ce genre de propos extravagants, qui révèlent un mépris absolu de la vérité, permettent de noyer le débat dans un imbroglio technique et de faire croire qu’il existe une controverse scientifique là où il n’y en a guère, explique Claire Nouvian. Tout cela a pour objectif de retarder les prises de décision vis-à-vis du chalutage profond « .

Le résumé des avis scientifiques par le Conseil européen est pourtant sans ambiguïté :  » les données scientifiques sont insuffisantes pour prouver la durabilité des pêches [profondes] « .(*)

En effet, l’ensemble des captures européennes profondes sont évaluées par les chercheurs du Conseil International pour l’Exploration de la Mer comme se trouvant à 100%  » en dehors des limites de sureté biologique « .  » Gardons à l’esprit que ces constats alarmants ne tiennent pourtant pas compte des dégâts collatéraux causés par les pêches profondes alors que les immenses filets lestés agissent comme des bulldozers géants qui broient le relief et les organismes marins  » explique Claire Nouvian. Les  nombreux chercheurs internationaux qui ont appuyé la plainte de Bloom disent en effet du chalutage en eaux profondes qu’il est  » largement reconnu comme la méthode de pêche la plus destructrice de l’histoire.  » Des coraux et éponges pluri-centenaires sont quotidiennement décimés par les chaluts profonds et certains poissons à longévité extrême et fécondité réduite comme les requins profonds, systématiquement capturés par les filets non sélectifs d’Intermarché, sont déjà menacés d’extinction.

La décision du Jury de Déontologie Publicitaire est une première brèche dans la forteresse de la pêche profonde française, une activité résiduelle, déficitaire et subventionnée, qui concerne principalement Intermarché (et moins d’une dizaine de navires en France au total) mais qui est protégée de façon injustifiable par les pouvoirs publics, dans une collusion public/privé décomplexée.  » La politique de désinformation mise en oeuvre avec l’absolution des pouvoirs publics français sur la réalité de la pêche  profonde ne suffit plus à dissimuler que cette activité agonisante n’est qu’un château de cartes reposant sur un grand vide scientifique  » analyse Claire Nouvian.

Les autres grandes enseignes françaises (Auchan, Carrefour, Casino et Leclerc) ont toutes pris les mesures qui s’imposaient et retiré de la vente un certain nombre d’espèces profondes.  » Intermarché se retrouve isolé et ne pourra pas éternellement tenir le siège contre la science, surtout si pour protéger leur flotte de pêche, ils sont obligés de trahir la confiance des consommateurs.  » Intermarché a en effet développé un  » auto-label  » « pêche responsable » dont le cahier des charges  » privé « ,  » appartenant  » à la Scapêche est impossible à analyser puisque celui-ci n’est pas disponible de façon transparente. L’aspect étrangement semblable du macaron d’Intermarché au label  mondialement connu du MSC n’a pas échappé au Jury de déontologie publicitaire qui a également motivé l’interdiction de la publicité sur le fait que  » l’auto-label « Pêche responsable »  » du Groupement Les Mousquetaires  » comporte un risque de confusion quant à la signification de ce logo « .

 » Cela fait plus de 10 ans que l’Assemblée générale des Nations Unies débat de la destructivité du chalutage profond, que les chercheurs du Conseil International pour l’Exploration de la Mer et du monde entier expriment des inquiétudes réitérées et toujours plus nombreuses à propos de cette méthode de pêche et de la vulnérabilité des milieux et des organismes profonds, il est donc évident que le débat sur la pêche profonde ne va pas s’arrêter avec la décision du Jury de Déontologie Publicitaire. Plus Intermarché s’enferrera dans les pêches profondes contre le bon sens et les avis scientifiques, plus l’enseigne s’exposera aux critiques des ONG et des chercheurs, avec les conséquences que cela comporte pour sa réputation. Ces pêches représentent une fraction infinitésimale de leur chiffre d’affaires, pourquoi prennent-ils le risque de laisser cette activité résiduelle ternir leur nom ? C’est un mystère…  » conclut la directrice de Bloom.

Un communiqué du 21 juin 2012 de l’association Bloom

(*) : Bruxelles, le 6.10.2010 COM(2010) 545 final. Règlement du Conseil établissant, pour 2011 et 2012, les possibilités de pêche ouvertes aux navires de l’UE pour certains stocks de poissons d’eau profonde.

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A propos de BLOOM www.bloomassociation.org

BLOOM est une association à but non lucratif fondée en 2005 qui oeuvre pour la conservation marine à travers une démarche de sensibilisation et de médiation scientifique des problématiques environnementales, la production d'études indépendantes, ainsi que par la participation à des consultations publiques et des processus institutionnels. Ses actions s'adressent au grand public ainsi qu'aux décideurs politiques et acteurs économiques.

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