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Teintures et textiles : gare aux colorants !

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Par Bioaddict

Les colorants chimiques sont nombreux dans l'industrie textile. Environ 60 % à 70 % des colorants utilisés aujourd'hui sont des colorants azoïques (contenant une double liaison azote dans sa structure moléculaire), interdits en Allemagne depuis 1996. En France, certains sont toujours autorisés. Les producteurs et les consommateurs en subissent les effets nocifs ainsi que notre planète.

Teintures et textiles : gare aux colorants !

La teinture est une des opérations d’ennoblissement que subit un textile après la culture des fibres, dans la longueur et l’épaisseur de celles-ci, afin de leur donner une couleur unie. Ces teintures sont principalement issues de la chimie de synthèse, à l’immense palette de colorants, dont la technique et la tenue sont mieux maitrisées que celles des teintures naturelles.
Certains ont été reconnus comme toxiques pour l’homme et particulièrement l’enfant. De quoi faire peur lorsque l’on sait que tout ce que nous portons est teinté !

 » Du point de vue toxicologique, il est important de ne pas oublier que les colorants de qualité technique contiennent généralement jusqu’à 20 % d’impuretés ou même plus  » écrit Jeanne Mager Stellman en 2000 dans l’Encyclopédie de sécurité et de santé au travail, Bureau International du travail de Genève.

En teintures ou en pigments, ils sont préparés à partir d’un sel de diazonium et d’un phénol ou d’une amine aromatique. Les amines aromatiques peuvent être à l’origine de lésions cancéreuses de la vessie et sont citées dans le tableau des maladies professionnelles n° 15 ter.

C’est pour cela que la Directive Européenne 2002/61/EC interdit l’utilisation de colorants pouvant libérer, par coupure réductrice de groupements azoïques, certaines amines aromatiques (une liste de 22 amines est donnée dans la Directive). Les vêtements importés doivent être particulièrement contrôlés sur ce point. Le règlement français limite aussi leur commerce et leur utilisation.

Néanmoins, plus de 100 colorants ayant un potentiel pour former des amines cancérigènes sont encore disponibles sur le marché.

Des risques allergiques et cancérigènes

Selon l’Institut français du textile et de l’habillement (Ifth), un article textile teint avec un colorant à risque mal fixé présente des solidités teintures plutôt faibles, ce qui peut entraîner, en cas de transpiration par exemple, un dégorgement du colorant sur la peau. La liaison chimique azoïque est alors rompue et l’amine aromatique ainsi libérée est assimilée par l’organisme. Celle-ci, par l’intervention des azoréductases (enzymes dégradant l’amine), peut ainsi provoquer un risque de cancer.

Le principal risque d’absorption est le contact avec la peau car les amines aromatiques sont liposolubles. Un risque important qui est rarement pris en compte dans la pratique industrielle de certains pays qui font l’impasse des droits des travailleurs.
 » Il existe également un risque considérable d’absorption par voie inhalatoire. Celle-ci peut se produire par inhalation de vapeurs, encore que la plupart de ces amines soient peu volatiles à température ordinaire, ou de poussières émanant de produits solides  » indique Jeanne Mager Stellman dans l’Encyclopédie de sécurité et de santé au travail, avant de souligner les effets sur la santé.
Le cancer des voies urinaires (en particulier de la vessie), le risque d’intoxication aigüe qui peut produire des effets nocifs sur les globules rouges, la sensibilisation de la peau mais aussi des voies respiratoires… tous ces effets pathologiques sont dus à ces amines aromatiques.

Une enquête (Documents pour le médecin du travail n°85, 1er trimestre 2001) a été coordonnée par l’INRS, l’Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, sur ces colorants car plusieurs cas de dermatose allergique de contact aux colorants réactifs avaient été rapportés chez des salariés de l’ennoblissement textile. Elle démontre à travers diverses études des problèmes d’asthme, de dermite de contact et d’urticaire, des réactions d’irritations, des allergies cutanées…

Les ouvriers qui fabriquent nos jeans, nos vestes, nos tee-shirts sont les premières victimes des colorants présents dans les teintures. Des teintures que nous utilisons parfois chez nous pour redonner vie à nos vêtements.

Des composés non biodégradables dans l’environnement

Les colorants de synthèse toxiques polluent de plus les eaux résiduaires avec, parfois, des flux importants. Or les procédés traditionnels les éliminent mal : ils sont peu biodégradables et la seule clarification de l’eau, par exemple par des sels de fer, donne des résultats insuffisants.

En raison du caractère peu volatil des substances contenues dans le bain de teinture, les émissions dans l’air sont, en général, peu importantes et peuvent être considérées plutôt comme des problèmes d’air ambiant sur le lieu de travail (émissions fugaces lors du dosage / distribution des produits chimiques et des procédés de teinture en machines « ouvertes »), d’après Aida-Inéris, site d’information réglementaire relatif au droit de l’environnement industriel développé à la demande du Ministère du développement durable.
Ces colorants très peu bio-éliminables (à moins qu’ils ne soient soumis à des techniques de traitement destructif) passent à travers l’unité de traitement biologique des eaux résiduaires et restent dans l’effluent évacué. On observe alors de fortes doses de couleur qui peuvent interrompre la photosynthèse et affecter ainsi la vie aquatique.

 » La plupart des colorants sont conçus pour être récalcitrants aux conditions environnementales telles que la lumière, la température, l’attaque microbienne ainsi que les agents oxydants (Pagga et Taeger, 1994). En outre, leur présence dans les systèmes aquatiques, même à faibles concentrations, est très visible, réduit la pénétration de la lumière et possède un effet néfaste sur la photosynthèse (Robinson et al., 2001). Par conséquent, la dépollution des eaux contaminées par ces composés chimiques s’avère nécessaire aussi bien pour la protection de l’environnement que pour une éventuelle réutilisation de ces eaux non-conventionnelles  » (selon une étude intitulée  » Absorption d’un colorant textile réactif sur un biosorbant non-conventionnel: les fibres de Posidonia oceanica delile  » et publiée dans le Canadian Journal of Chemical Engineering en février 2008 – Borhane Mahjoub, Mohamed Chaker Ncibi, Mongi Seffen).

Des labels qui restreignent les colorants

L’écolabel européen pour les produits textiles exclut les colorants azoïques qui se clivent en une liste d’amines aromatiques, les colorants classifiés cancérigènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction selon la Directive 67/548/CEE sans oublier les colorants potentiellement sensibilisants si solidité à la transpiration > 4.

Oeko-Tex Standard 100 garantit depuis 1992 l’absence de métaux lourds, de formaldéhydes et fait attention aux contrôles de la nocivité des colorants et aux traitements des eaux usées. Le tissu ne contient pas de substances allergènes. Cet écolabel porte la mention Confiance textile en langue française.

Le Label Contact Peau garantit l’absence de colorants azoïques dangereux.

Si vous préfèrez garder votre vêtement et les teindre vous-même, les teintures écologiques Okonorm (coton, lin, laine, soie, jute, fibrane…) à 30° à la main ou à la machine sont conformes au cahier des charges écologiques textile du GOTS (Global Organic Textile Standard) et au standard Okotext 100.

Emilie Villeneuve

Info+

Depuis le 9 septembre 2003, le décret (n° 2003-866 : relatif aux colorants azoïques dans les articles en tissu et en cuir en contact avec le corps humain) sur l'interdiction d'utiliser certaines amines aromatiques jugées cancérigènes est en application avec une norme européenne, EN 14362, transcrite en droit français sous les deux appellations NF EN 14361-1 et NF EN 14362-2.

La norme NF EN 14362-1 concerne les colorants azoïques accessibles sans extraction, c'est-à-dire ceux qui ne doivent pas être utilisés dans la fabrication ou le traitement de certains produits textiles réalisés en fibres de cellulose (coton ou viscose par exemple) ou fibres protéïniques (laine, soie...).
La norme NF EN 14362-2, quant à elle, concerne les colorants azoïques qui ne peuvent pas être utilisés dans la fabrication ou le traitement de certains produits textiles en fibres synthétiques (polyester, polyamide...) teintées avec des colorants extractibles.

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