Un article sur les farines animales paru dans le journal » La Tribune » le 3 juin dernier a provoqué un véritable emballement médiatique et un vent de panique chez les agriculteurs et les consommateurs ! A l’origine de l’étincelle : un document » Power point » du Conseil national de l’alimentation (CNA) qui résume un rapport d’étapes encore non publié et qui serait favorable à une réintroduction des farines animales dans l’alimentation de certains animaux.
Le CNA, émanation des Ministères de l’Agriculture, de la Santé et de la Consommation est composé d’autorités médicales, d’agriculteurs, d’industriels et de représentants des consommateurs. Cependant même en cas d’avis favorable, rien n’indique que la France ouvrira ses portes aux farines animales. En effet, la décision de la réintroduction ne peut être prise que par le Parlement européen.
Toutefois, force est de constater que le débat existe et qu’un certain nombre de rapports émanant d’autorités européennes et françaises vont dans le sens d’un retour des farines de viande. Selon une feuille de route tracée en juillet 2010, Bruxelles proposait ainsi de lever l’interdiction du recours à certaines farines pour l’alimentation des non-ruminants (porcs, volailles, poissons), estimant que les conditions sanitaires d’il y a dix ans ne sont plus valides aujourd’hui. Ainsi selon l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), les risques seraient « négligeables » si l’on nourrissait les non-ruminants avec des farines animales sécurisées issues d’espèces différentes pour éviter le cannibalisme. Il est cependant exclu aussi bien par l’ESFA que le CNA de revenir aux protéines animales pour les ruminants tels que les vaches ou les moutons, censés se nourrir d’herbe.
Les arguments retenus
Des arguments d’ordre nutritionnels et d’ordre économiques sont invoqués pour justifier le retour des farines animales. Stéphane Radet, le directeur du Syndicat national de l’industrie et de la nutrition animale (SNIA) considère que leur digestibilité et leur profil en acides aminés en font un aliment avantageux. D’autre part, le retour des farines animales, notamment des farines de poissons, moins coûteuses que les farines végétales, pourrait améliorer la compétitivité des éleveurs. Ce dernier argument est loin de faire l’unanimité puisque le cours des farines animales dépend aussi des cours des autres denrées (maïs et autres fourrages). Selon le document du CNA, l’avantage économique est » variable, voire incertain, selon les secteurs « . Mais il pointe un tout autre avantage, pour le moins surprenant : la réintroduction des farines animales aurait des « avantages environnementaux probables », notamment dans l’élevage aquacole qui autorise toujours certaines farines animales et pour lequel « la question de la préservation des ressources halieutiques se pose avec de plus en plus d’acuité ». Il est ainsi suggéré dans le rapport que les farines de poisson permettraient de préserver les ressources naturelles en utilisant des restes de poissons déjà pêchés.
Le spectre de la vache folle
En théorie, il est donc possible de voir réapparaître les farines animales sur le marché. Mais en pratique, le spectre de la crise de la vache folle fera inévitablement obstacle. Consommateurs et agriculteurs n’ont pas oublié la crise de la vache folle et son impact désastreux sur la santé et l’économie ! A peine relayé dans la presse, le document a en effet déclenché des réactions épidermiques. Et pour cause : ces farines animales ont été soupçonnées d’avoir contribué à la propagation de l’encéphalopathie spongiforme bovine (maladie de la vache folle). Elles ont depuis été interdites dans l’UE pour les animaux destinés à l’alimentation. Si leur responsabilité dans la propagation de la maladie n’a pu être prouvée que partiellement, le principe de précaution a toujours primé.
Le Ministre de l’agriculture Bruno Le Maire a été catégorique ce dimanche dans une émission de radio : « Tant que je serai ministre de l’Agriculture, les farines animales ne sont pas réintroduites en France. » « Aujourd’hui, je constate qu’on ne me donne pas de certitudes « sur ces farines, a-t-il ajouté. « En politique, j’essaie toujours de hiérarchiser les priorités et la priorité absolue, c’est la sécurité alimentaire des Français « , a souligné le ministre.
De quoi faire retomber le vent de panique jusqu’à septembre 2011, date à laquelle le CNA doit rendre son avis qui devra être particulièrement bien motivé.
Alicia Munoz