Les conseils pratiques d’un médecin sur les huiles essentielles
Le docteur Jean-Claude Lapraz, spécialiste des plantes médicinales et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, répond à nos questions sur les huiles essentielles (HE) :
– Qu’est ce que l’aromathérapie, et est-elle une » médecine » scientifiquement validée ?
L’aromathérapie c’est l’utilisation, dans une visée thérapeutique, des huiles essentielles qui sont des substances aromatiques odoriférantes extraites de plantes dites à parfum. Elles sont obtenues en majorité par distillation, mais elles peuvent l’être également par la méthode d’enfleurage (les plantes ou les pétales sont mises en contact avec des corps gras) ou par expression à froid (le clou de girofle est, par exemple, pressé).
Quant aux propriétés anti-virales, anti-infectieuses, anti-inflammatoires et anti-coagulantes de certaines huiles essentielles elles ont été prouvées par des études sur l’animal ou in vitro, et de très nombreuses publications sont disponibles dans la littérature scientifique.
– Les huiles essentielles étant d’origine naturelle sont-elles pour autant sans risque pour la santé ?
Les huiles essentielles sont des substances chimiques naturelles complexes, mais ce n’est pas pour autant que cette notion de » naturel » leur donne une garantie d’innocuité. On peut en effet observer l’apparition d’effets secondaires néfastes avec des huiles essentielles modifiées, dans lesquelles, par exemple, on a rajouté certains principes actifs (comme du thymol).
Ces procédés artificiels, dits de » sauçage « , utilisés pour augmenter la quantité de l’huile essentielle mise sur le marché, dans une visée purement financière, en modifiant la structure et l’équilibre harmonieux des divers principes qu’elle renferme, modifient en profondeur ses qualités thérapeutiques, et lui font perdre ses vraies potentialités.
Il faut donc toujours s’assurer, lorsqu’on utilise de tels produits, que les huiles essentielles sont d’une origine botanique bien définie, pures, d’extraction complète et dénuées de tout ajout artificiel, et bien sûr indemnes de toute pollution.
– Quel est l’intérêt de ces huiles essentielles en termes de santé?
Elles peuvent être utilisées soit seules, soit en association avec d’autres traitements pour soigner des maladies bénignes, comme d’autres plus sérieuses. Si pour un traitement ponctuel de quelques jours, pour soigner un rhume, par exemple, utiliser une huile essentielle classique ne fait pas courir de risque important à celui qui l’ingère ou qui l’applique sur sa peau – hormis dans les cas où il présenterait une sensibilité spécifique à celle-ci (allergique, par exemple) – l’utilisation au long cours nécessite toujours un diagnostic clinique précis (et qui se fait dans ce cas avec le suivi d’un médecin ayant une expertise dans ce domaine). Car l’usage des huiles essentielles doit répondre à des règles rigoureuses de prescription, tout particulièrement quand on les absorbe par voie orale sur des durées prolongées. Ceci implique le respect de plusieurs critères incontournables : un diagnostic précis de l’état du sujet à traiter, une connaissance précise aussi des indications et des contre-indications de l’huile essentielle, et la définition d’une stratégie adaptée au patient, tant dans le choix que dans la durée d’administration du produit sélectionné et le suivi de ses effets. C’est pourquoi il faut alors bien connaître l’équilibre du terrain du sujet, pour ne pas risquer d’induire de nouvelles maladies en utilisant une huile essentielle qui ne lui serait pas adaptée.
– Comment agissent les huiles essentielles ?
Ce sont des produits très concentrés et très complexes, tant au niveau de leur structure que de leur composition. Elles sont le fruit de l’élaboration de la vie qui se déroule dans la plante, participent à son métabolisme et à sa protection. Leurs modalités d’action sur l’homme sont loin d’être complètement identifiées. Elles agissent en profondeur, en modifiant l’activité de certaines fonctions du corps humain, et permettent d’obtenir des résultats souvent inespérés dans des maladies infectieuses microbiennes ou virales, des maladies inflammatoires tant intestinales que rhumatismales, et dans bien d’autres affections, en particulier celles liées à des anomalies du fonctionnement du système endocrinien, du fait des effets que certaines d’entre elles sont à même de produire sur ce système.
– Est-il préférable de les utiliser en les appliquant sur la peau en les inhalant ou en les absorbant ?
D’une façon générale, il faut bien distinguer leur action par voie externe de celle par voie interne. Par voie externe, lorsqu’on applique directement l’huile essentielle sur la zone à traiter, on peut obtenir très vite une action, anti-infectieuse, par exemple, si elle est dotée d’une telle propriété. L’effet peut être rapide et très impressionnant. Ce qui explique que dans des infections cutanées, ou dans celles respiratoires quand on inhale une solution à base d’huiles essentielles, on puisse observer des résultats importants, du fait du contact immédiat entre le microbe et l’huile.
Par voie interne, il faut toujours diluer l’huile essentielle dans un support (alcool, huile, teinture homéopathique, teinture mère), du fait de leur concentration et de la nécessité de recourir à des doses très éloignées de leur dose toxique. En modifiant l’équilibre de l’organisme, elles agissent par un mécanisme différent de celui par voie externe.
Contrairement aux antibiotiques par exemple, qui agissent en tuant directement les germes pathogènes, les huiles essentielles absorbées oralement n’agissent pas directement sur les germes. Pourtant, elles sont capables de les faire disparaître de l’organe malade, car en changeant l’état de l’individu (de son terrain) elles sont en mesure de modifier les conditions écologiques favorables à leur développement et ainsi de leur interdire la possibilité de survivre.
Propose recueillis par Caroline Chavigny
Les huiles essentielles bio pour passer un bon hiver
Certaines huiles essentielles – toutes disponibles en version biologique – sont particulièrement adaptées aux infections, qui touchent la sphère ORL :
– Le thym vulgaire: s’il existe différentes variétés d’huiles essentielles de thym, toutes possèdent des vertus bactéricides et antivirales exemplaires, tout en tonifiant le système nerveux.
– Le ravensare : originaire de Madagascar, cet arbre à feuilles délivre une huile essentielle aux propriétés bien utiles pour la prévention des affections hivernales : anti-infectieuse, énergisante (sans être excitante) et stimulante immunitaire.
– L’eucalyptus radié : attention, l’eucalyptus déborde de variétés (plus de 700)! L’eucalyptus radié (eucalyptus radiata) est très apprécié en aromathérapie, notamment pour ses vertus expectorantes, anti-virales et anti-inflammatoire sur les voies respiratoires. Pour lutter contre les bronchites, sinusites, grippe, épidémies virales…
– Le pin sylvestre : offrant une douce odeur de résineux, l’huile essentielle de pin sylvestre possède des propriétés décongestionnantes et purifiantes. Elle présente également des vertus anti-fatigue : un bon ingrédient pour redonner du tonus !
– Le niaouli : les indications de cette huile essentielle sont très nombreuses. Parmi celles-ci, la lutte contre toutes les infections ORL grâce à ses propriétés anti-infectieuses, antibactériennes, anti-virales et expectorantes.
– L’arbre à thé (tea-tree) : cet arbuste (Melaleuca alternifolia) de la famille des myrtacées est un remède traditionnel des aborigènes d’Australie. Tout d’abord anti-bactérienne à large spectre, l’huile essentielle d’arbre à thé est également anti-fongique, anti-virale et stimulante immunitaire.
Quelques recettes pratiques d’huiles essentielles
-Pour purifier l’air ambiant : diffuser (à l’aide d’un diffuseur adapté) 10 gouttes d’HE d’eucalyptus radié avec 10 gouttes de pin sylvestre 10 minutes, jusqu’à 3 fois par jour. On peut y ajouter quelques gouttes d’essence de citron.
-Pour déboucher le nez et dégager les voies ORL : 5 gouttes d’HE d’eucalyptus radié sur un mouchoir à respirer, ou plus efficace, dans un bol d’eau bien chaude, à respirer sous une serviette pendant 10 minutes (fermez bien les yeux). Les HE de niaouli et de pin sylvestre peuvent également être utilisées.
-Pour soigner les infections ORL : frictionner le haut du dos, la nuque et le plexus solaire avec un mélange 50/50 d’HE d’eucalyptus radié et d’huile végétale neutre (amande douce, macadamia ou jojoba).
Un mélange d’HE de niaouli et d’HE de ravensare (2 gouttes de chaque) peut également être appliqué sur les points clé du corps (poignets, sternum, haut du dos) 3 fois par jour.
-Pour soulager les maux de gorge, avaler 2 gouttes d’HE d’eucalyptus radié + 2 gouttes de ravensare dans une cuillère de miel ou sur un sucre de canne, à laisser fondre sous la langue. 3 fois/jour.
– Contre les angines : 1 goutte d’HE de thym vulgaire sur un sucre à laisser fondre dans la bouche, 3 ou 4 fois par jour, pendant 2 jours.
– Pour soulager une otite : appliquer 2 gouttes d’HE d’eucalyptus radié ou de niaouli de façon péri-auriculaire (autour de l’oreille jusqu’à absorption complète), 3 à 4 fois par jour.Convient aux enfants de plus de 4 ans.
– Pour prévenir la grippe : 10 gouttes d’HE de ravensare, 6 gouttes d’HE d’eucalyptus radié et 4 goutte de niaouli ; appliquer 5 gouttes du mélange 3 fois par jour sur le thorax, le haut du dos et le sternum. 3 fois/jour.
*Sachez que ces indications, si elles peuvent vraiment soulager, ne remplacent pas la visite chez un médecin en cas de symptômes persistants.
Pour en savoir plus :
Guide de poche d’aromathérapie de Danièle Festy et Isabelle Pacchioni – Editions Leduc. S
Huiles Essentielles Chémothypées, d’A. Zhiri, D. Baudoux et M.L. Breda -Edition Inspir Development
Traité de phytothérapie clinique de C. Duraffourd et J.C Lapraz. Editions Masson.
ABC de la phytothérapie dans les maladies infectieuses de C. Duraffourd, J.C Lapraz, J. Valnet. Editions Grancher.