Accueil / Articles / Politique et économie environnement / Serres chauffées en bio : ils veulent changer la saisonnalité de la tomate !
alimentationlois

Serres chauffées en bio : ils veulent changer la saisonnalité de la tomate !

Avatar photo

Mis à jour le

Publié le

Par Bioaddict

Oui, la tomate est bien un produit d'été ! Et pourtant, le débat sur les serres chauffées en bio est en train de tourner au ridicule au sein de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) avec sur la table des propositions de négociation visant à faire accepter l'impensable : faire passer la tomate du statut de légume-fruit d'été à celui de légume-fruit de printemps en la commercialisant dés le mois de mars !

La loi va-t-elle bientôt permettre de pouvoir produire des fraises ou encore des tomates bio en plein hiver sous des serres chauffées ? « Une abberation incompatible avec le cahier des charges bio » s’insurgent de nombreux agriculteurs et associations de défense de l’environnement. Une manne financière potentielle pour d’autres qui tentent par tous les moyens de faire passer cette loi.

Alors que le débat anime la profession agricole française depuis près de trois mois, et que le Comité national de l’agriculture biologique (CNAB) s’apprête à statuer sur ce point le 11 juillet, les membres de la commission réglementation de l’INAO ont ainsi eu la surprise de découvrir une nouvelle proposition dite « de compromis » concernant les serres chauffées bio, à savoir autoriser la commercialisation de tomates bio à partir… du 21 mars ! (la saison commence normalement en juin)

Peu importe le climat et le cycle des saisons… ce qui compte c’est le profit !

« Pourquoi changer l’agriculture quand on peut changer la saisonnalité ? A défaut de changer les pratiques agricoles, on va carrément changer les lois de la nature. Plus c’est gros, plus ça passe ». C’est peut-être ce que ce sont dit les agriculteurs, industiels et lobbies (au premier rang desquels la FNSEA) qui ont proposé ce « compromis » que Jean-Paul Gabillard, secrétaire national légumes de la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB), qualifie plutôt « d’estocade ». « Autoriser la vente de tomates bio dès le 1er jour du printemps revient à autoriser de chauffer les serres bio pendant tout l’hiver à plus de 20 degrés, soit l’équivalent de 200 000 à 250 000 tonnes de fioul par hectare !«  explique-t-il, furieux.

« C’est un tour de passe-passe pour séduire les supermarchés. Comment voulez-vous obtenir des tomates dès le premier jour du printemps sans chauffer les serres dès janvier ? (…) Cela risque de dévoyer l’esprit du bio, qui n’est que du bon sens : être en lien avec la nature, respecter le cycle des saisons. Ceux qui tentent de faire de l’intensif en bio se fourvoient. Ils risquent de mener le bio dans la même impasse que le conventionnel intensif, qui a fait n’importe quoi au niveau de l’environnement, des valeurs nutritives, du goût » commente également avec inquiétude le Chef Olivier Roellinger lors d’une interview pour le journal Libération.

A l’heure où tous les scientifiques alertent sur la nécessité absolue de lutter contre le réchauffement climatique pour préserver l’avenir de l’humanité, cette décision concernant l’autorisation des serres chauffées en agriculture bio marquera un moment charnière pour la transition écologique en France. En attendant, la mobilisation s’amplifie pour préserver les valeurs éthiques et écologiques de l’agriculture biologique. La pétition « Pas de tomate bio en hiver : non aux serres chauffées ! » lancée le 29 mai par le Réseau Action Climat (RAC), la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), Greenpeace France et la FNAB, rejointes par une quinzaine d’organisations, a ainsi déjà recueilli plus de 80 000 signatures. Dans une tribune publiée par Le Monde le 9 juillet, une centaine de parlementaires s’engagent et demandent également au ministre de l’agriculture d’aller au bout de ses convictions pour préserver une bio exigeante.

Le vote du gouvernement sera décisif

Le Comité national de l’agriculture biologique (CNAB) se réunira jeudi 11 juillet pour trancher cette question. Il est composé d’une quarantaine de membres qui vont être amenés à voter pour ou contre la production de fruits et légumes biologiques à contre saison. L’administration dispose de quatre votes qui seront cruciaux pour départager les différentes tendances au sein du CNAB. « Après la déclaration du ministre de l’agriculture, qui s’est dit opposé au chauffage des serres lors du séminaire international de l’Agence Bio, il nous semblerait invraisemblable que l’administration soutienne une commercialisation des tomates au printemps, autorisant de fait le chauffage en bio pendant tout l’hiver » commente Jean-Paul Gabillard. « In fine, si le CNAB n’est pas en mesure de trancher le 11 juillet, c’est bien le ministre de l’agriculture qui garde le dernier mot et qui peut décider d’inscrire l’encadrement du chauffage des serres au guide de lecture de l’agriculture biologique. »

En attendant, il ne tient qu’à nous consommateurs de ne pas acheter de fruits et légumes – même bio – hors saison pour ne pas contribuer à l’augmentation des gaz à effet de serre à l’origine du réchauffement climatique. Il faut savoir qu’une tomate produite en France sous serre chauffée est responsable de 8 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’une tomate produite en France en saison, et de 4 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’une tomate espagnole importée !

Mathilde Emery

Partagez cet article