Plus de 100 pesticides différents collectés à proximité des habitations et des écoles en zones rurales ! D’avril à juillet, la faculté de Gembloux Agro Bio Techn (Université de Liège) a réalisé des essais » in situ » dans des écoles et des domiciles situés à proximité de parcelles agricoles en Wallonie, pour mesurer » la diversité et les quantités de pesticides » qui pouvaient s’y déposer. Pour les écoles, les analyses ont portée sur des échantillonnages de poussières à l’intérieur et à l’extérieur.
» Les résultats montrent bien la présence d’une très grande variété de pesticides (+ de 100 substances détectées), mais, en général, seules de faibles quantités ont été collectées. Il apparaît également qu’une trentaine de pesticides sont quasi systématiquement détectés sur les collecteurs « , note l’étude*.
L’exposition dure 24 h et plus après les épandages, les aires de jeux sont contaminées
Le constat est alarmant : des substances actives pénètrent loin à l’intérieur des cours de récréation, créent des dépôts sur les jeux extérieurs (et toutes les autres surfaces) et sont entraînées à l’intérieur des classes, et cela malgré des obstacles aux dérives d’épandage mis en place (écrans végétaux ou artificiels en bordure de parcelles agricoles) et la nouvelle législation wallonne (distance à respecter, buse anti-dérive lors des pulvérisations, interdiction d’épandre quand la vitesse du vent dépasse 20 km/h).
Autre observation de l’étude : » la dispersion dans l’air des substances se poursuit durant une longue période (24 h ou plus) après l’application « .
Cela signifie que si un épandage a lieu en dehors des heures de classes, et même la nuit, les élèves et les riverains des parcelles traitées sont quand même exposés aux pesticides pendant la journée qui suit voire au-delà, par les particules en suspension dans l’air et par contact avec les objets sur lesquels elles se déposent. Les poumons et la peau sont donc concernés. C’est particulièrement inquiétant dans les aires de jeux. D’autant que le contact des jeunes enfants avec les jeux est aussi souvent oral.
Les nouvelles mesures pour réduire l’exposition des populations sont insuffisantes
L’étude, nommée Propulpp, confirme des résultats déjà obtenus en 2016. A l’école fondamentale Saint-Martin de Cortil-Wodon (Fernelmont), des traces de 23 pesticides avaient été trouvées malgré une zone tampon de douze mètres entre les cultures et la cour de récréation.
Elle est cohérente avec les travaux de l’Institut scientifique de service public (ISSEP) qui a mesuré une pollution généralisée aux pesticides en Wallonie, plus forte dans les zones agricoles mais également présente au sein des villes loin des lieux de pulvérisation. On pouvait pourtant espérer un mieux. En effet, à la suite des travaux de l’ISSEP, les épandages ont été interdits à moins de six mètres des habitations et jardins et à moins de 50 mètres des crèches et des écoles pendant les heures scolaires. Rappelons que les agriculteurs ne peuvent épandre quand la vitesse du vent est supérieure à 20 km/h et doivent dans tous les cas utiliser une buse spéciale pour réduire les dérives des pesticides dans l’air. Ces mesures semblent aujourd’hui bien insuffisantes au regard des résultats obtenus par la nouvelle étude de la faculté de Gembloux Agro Bio Techn.
Anne-Françoise Roger
* lire l’étude Objectivation de l’exposition des populations riveraines aux pulvérisations de produits phytopharmaceutiques en Wallonie