Il fallait s’y attendre. L’industrie agro-alimentaire se lance dans le bio qui représente un marché en forte progression. Et c’est l’un des produits préférés des Français, l’un des plus consommés, le poulet, qui va servir de rampe de lancement.
Les premiers poulets bio de la Marque Duc devraient arriver dans les magasins d’ici 6 mois, le temps de construire dans l’Yonne, pour commencer, deux unités de production pouvant accueillir 9600 poulets. Ensuite Duc construira 11 autres bâtiments en Bourgogne, avant la fin 2012. L’objectif affiché est de construire 45 bâtiments dans la région d’ici 2015, et de produire 15 000 poulets bio par semaine. Ce groupe sera donc demain un acteur majeur du poulet bio.
Faut-il s’en réjouir ? A priori c’est une très bonne nouvelle pour les consommateurs. Mais ces poulets industriels, seront-ils vraiment bio ? Seront-ils élevés en respectant les mêmes critères qualitatifs et environnementaux que ceux exigés par la réglementation bio?
Certes Duc devra respecter les normes d’élevage imposées par le cahier des charges bio européen. Mais tout ne sera pas identique. Ainsi la durée minimale d’élevage des poulets bio avant leur abattage est de 81 jours. Les poulets Duc seront abattus à l’âge de 71 jours.
Par ailleurs, aujourd’hui, la majorité des éleveurs de poulets bio produisent eux-mêmes les aliments bio qu’ils donnent à leurs volailles. Les éleveurs de poulets Duc n’auront pas à produire ces aliments : ils leur seront fournis directement par le groupe industriel qui pourra ainsi contrôler toute la chaine de production et fixer ses prix aux sous-traitants.
Enfin les bâtiments servant à l’élevage seront installés dans des fermes conventionnelles.
C’est pourquoi la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) conteste l’approche « bio » du volailler Duc, et considère que ce projet est bien » …éloigné des valeurs de l’agriculture biologique : poulets abattus jeunes et quasi-absence de lien au sol alimentaire. » Et elle appelle les autorités à une » modification des textes réglementaires bio pour éviter toute reproduction de ce type de schéma « .
En lançant il y a un an la marque Bio Cohérence les acteurs du bio avait pressenti les risques de confusion entre le bio paysan développé depuis bien longtemps, et le bio industriel qui pointe aujourd’hui son nez. Cette marque exige en effet que la ferme soit 100% biologique, que l’abattage des poulets se fasse à 81 jours minimum, que le lien au sol soit d’au moins 50%, que les élevages se fassent à taille humaine et intègrent des critères sociaux et économiques et que l’alimentation des volailles soit bien entendu sans OGM, et 100% bio.
Elle devient ainsi un repère important pour distinguer les poulets bio traditionnels des poulets bio industriels, et bien d’autres produits.
Hervé de Malières